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Préalable subjectif et méthodologique

Pourquoi je relaye les textes écrits par Richard Abibon à l’hôpital

Mi janvier 2022, Richard m’appelle. Lors d’une visite chez son médecin s’est décidé une hospitalisation. Me voici partie chez lui pour lui boucler une valise et la lui porter. Jusqu’au 23 février 2022 nous avons continué à travailler la psychanalyse: la mienne et la sienne, ainsi que nos échanges sur la transmission.

Un brin fière d’avoir les oreilles suffisamment fines pour l’écouter, je lui ai exprimé ma frustration: “Punaise mais ce que tu racontes au delà de toi, là, c’est si précieux d’avoir un témoignage de quelqu’un qui est en train de mourir. Y a que toi qui peut porter ta propre parole là dessus. Si c’est moi qui raconte ça sera pas tes mots. Je sais pas comment faire pour transmettre”
Lui de répondre " Ben tu raconteras toi ce que tu as vécu à m’écouter" Une phrase bien a lui, bien relou.
Ce genre de phrase qui m’invite à être moi, à parler de moi. Ce genre de phrase qui fait garde corps à ma tentation de me raccrocher à quelqu’un sensé savoir pour moi lorsque je doute de moi, de qui je suis, de mon identité.

Oui Richard je suis d’accord sur ce point avec toi. C’est en parlant de moi que je fais de la psychanalyse, ma psychanalyse, que je suis moi et en corolaire que je m’apaise.
Mais merde c’est dur. C’est dur parce qu’analyser ce que j’ai vécu pendant ces moments passés à tes côtés c’est mettre des représentations sur ta mort. Analyser ce que j’ai vécu c’est identifier la coupure/ la différence entre la réalité où tu es plus là et mon imaginaire où tu es encore présent. Une sorte de là/pas là qui me rappelle fortement le fort-da. Ce mouvement de jeter au loin l’objet pour mieux en récupérer une représentation. Or celui/ la machine qui fabrique la représentation c’est le Sujet. Mon nœud au ventre, l’angoisse diffuse qui m’occupe depuis ce début d’année est en train de ce détendre.

Ce là/ pas là il m’a sauté aux yeux avant de sauté au fin fond de mon inconscient, l’humanité est coupé en deux:

  • ceux pour qui il y a un truc entre les cuisses qui est là
  • ceux pour qui il y a un truc entre les cuisses qui est pas là (coupé)

Ce là/ pas là, cette coupure entre le mot et la chose: oui le mot (champ de l’imaginaire/ du symbolique) n’est pas la chose (champ de la réalité) qu’il nomme, et bien ce Ce là/ pas là vient me rappeler la coupure que j’imagine entre mes cuisses: ma castration.

A la fois cette coupure:

  • est nécessaire pour fabriquer de la représentation: donc nécessaire à ma naissance en tant Sujet
  • est terrible et refouler parce que horrible d’imaginer qu’un zizi puisse ne pas être là/ coupé/ envolé… parce ayant eu une idée de désir d'inceste. La coupure vu comme la sanction à mon désir œdipien.

Putain Richard, je suis abasourdie de comment, même en analysant rêve après rêve, nuit après nuit, cette confusion entre mon imaginaire et la réalité peu ressortir comme ici. Parce que tu es mort: plus là dans la réalité mon inconscient m’a renvoyé tout droit à la perte imaginaire de mon zizi. Je comprend mieux pourquoi on dit “j’ai perdu un tel ou un tel” pour parler d’un proche qui est mort. En tout cas pour moi ça colle grave cette expression.

Il m’a dit de raconter ce que j’ai vécu pendant ce temps qui l’a conduit à la mort. Je commence tout juste à entrevoir le début de mon histoire.

Et lui sans crier gare, un matin je l’ai vu poster un premier écrit, puis un second le jour suivant et ainsi de suite jusqu’au 15 février… Ce qui m’a laissé sans voix n’étant pas le contenu que j’avais déjà entendu, mais la force qui était la sienne. Jusqu’au bout il a fait le choix de transmettre. Vous pouvez trouver les publications qu’il a écrites depuis l’hôpital en remontant son mur Facebook. Sacré cadeau pour la psychanalyse, pour moi et tous ceux et celles qui pourront lire ses lignes.

Pour l’ensemble de ses autres publications vous pouvez vous rendre sur son site internet et sur sa chaîne Youtube

Quand à moi je fais le choix de relayer ses derniers écrits pour les rendre accessible aux lecteurs qui passeront sur mon site. Pour le reste de son travail les supports qu’il a choisi permette à mon sens à chaque personne voulant y avoir accès de s’y référer s’il le souhaite.

Christine Dornier | Psychanalyste | Besançon

Pour lire davantage:

Du 8 février au 15 février 2022 il a repris sa plume et publié une série de texte témoignant de ce que lui en tant que Sujet était en train de vivre.

Point . 8 février 2022
Témoignage de Richard Abibon