18 octobre 2025 – en visioconférence
Cadre
Espace de parole où l'on parle de soi, à partir d’expériences, lectures, rêves, symptômes. Confidentialité, non-interruption, bienveillance. La méthode s’appuie sur l’association libre, l’attention au transfert et à la mise en représentation par la parole.
Ouverture. Retour rapide sur le « fil rouge » (synthèse de la séance 1) et sur le cadre. La thématique du jour — Croire & Parole — est issue des motifs apparus lors de la première séance (« Autour du croire »).
Décisions de séance
• Publication : d’accord pour publier séance par séance, mais pas avant la séance suivante ; laisser ~1 mois pour relecture et corrections par les participant·es.
• Correction intégrée : remplacer « pas de repères en politique » par « pas de véritable conviction, mais des repères ».
• Poursuite : la prochaine séance portera sur « Croire & Foi » (religion, médecine, spiritualité).
Croire dans la parole : le cadre d’expérience
Une participante rappelle le sens du travail : on parle en son nom ; les lectures peuvent servir d’écho (« ce qui m’a touché·e et comment ça se construit chez moi »), pas d’argument d’autorité.
Le dispositif en visio invite à lever la main ; chacun·e porte la responsabilité de son écriture (relecture, correction).
Croire l’autre, se croire soi-même
« Je le crois sur parole »
Une participante dit combien elle a longtemps cru au pied de la lettre ce qu’on lui disait — jusqu’à s’y blesser. Elle prenait pour réalité des fantasmes énoncés par d’autres, sans distance : « comme si je me voyais seulement à travers leurs yeux ». L’analyse l’a aidée à désintriquer fantasme et réalité : l’émotion demeure mais rétrécit ; une distance devient possible.
Croire sans croire : obéir malgré soi
Un participant raconte un rêve : enfant, à la piscine, une figure paternelle l’oblige à manger une planche, en affirmant que c’est comestible. « Je ne le crois pas… et je mange quand même. » Il y lit sa soumission à des théories auxquelles il ne croyait pas, jusque dans l’ingérence paternelle dans le corps (exigence d’horaires pour la défécation, etc.).
Devenir ce que je crois que l’autre désire
Une participante se reconnaît dans ces deux mouvements : avoir cru qu’il fallait devenir l’objet du désir de l’autre, à partir de sa parole et de ses actes. Elle décrit la boucle avec sa mère : répondre à ce qu’elle se représente du désir maternel — représentation biaisée qui pourtant oriente des années de conduite. Le plaisir de plaire et la recherche d’une parole gentille comme signe d’amour y prennent rang de boussole.
Parole blessante, honte et corps
Une participante évoque des mots humiliants reçus dans l’intime:
- “Parce que mon mari n’arrivait pas à bander pendant la relation sexuelle, il a rejeté la faute sur un manque de désir envers moi, au prétexte que mes fesses ressemblaient à un chiffon sans consistance. Il m’a blessée dans ma féminité, mais cette blessure a trouvé son pendant dans la représentation que je me faisais de mon propre corps après l’accouchement.”
- *« je t’ai épousée jeune pour te casser les ailes » ; *
leur effet : honte du corps, retrait, fixation dans l’image. Une autre pointe : les mots n’ont d’effet que s’ils reçoivent foi — mais la foi s’accroche à un déjà-là, souvent inconscient. Les paroles blessantes « font trou » parce qu’elles rencontrent un signifiant logé en nous.
« Pourquoi je l’ai cru ? Parce que c’était déjà là ; il n’a fait que viser le clou dans le trou. »
Le performatif : quand dire fait être
Une participante nomme le performatif : « Parce qu’on le dit, ça devient ». Le mariage civil en offre une scène (« vous êtes mari et femme ») — expérience désirée pour jouer de cet effet de parole. À l’inverse, les contes montrent l’incantation (« elle se piquera ») qui adviendra.
Mais le performatif opère parce qu’on y croit — et parce que des paroles chères (parents) valent plus que d’autres. Exemple décisif : « Prends garde à ton foie », dernière parole paternelle devenue axe de croyance (« je suis un corps fragile »).
Croire : fonction, objets et déplacements
Une intervenante distingue le mouvement de croire (structurel) et ses objets (variables) : on ne se défait pas du verbe croire ; on déplace ce à quoi l’on croit (Dieu, l’argent, une théorie, une image de soi).
Croire, c’est aussi s’identifier (idéal, idéologie). Le contenu de la parole de l’autre devient signifiant pour nous, criblé par notre histoire et collé à nos propres signifiants.
« On ne quitte pas le croire ; on change d’objet. »
Représentation, langage, inconscient
Divergence féconde : pour certain·es, l’inconscient est « structuré comme un langage » ; pour d’autres, il se structure par des représentations que le langage organise et rend partageables.
Une participante relie un trauma infantile (différence des sexes, présence/absence) au montage d’une croyance sur le corps « manquant » ; la parole paternelle vient renforcer cette représentation, s’ingérer et devenir aliment (image d’« ingestion »). Le langage fait travailler ces représentations : en parlant, elles se déplacent.
Croyance, valeur, crédit
« Je te crois » : ce n’est pas chercher la vérité, c’est accorder une valeur à ce qui se dit ici et maintenant.
Une participante : face à une parole d’abus non cru par la famille, elle a pu dire « Moi, je te crois » — et c’est cela qui compte.
La question du crédit touche aussi l’analyse : payer installe une dette réglée, protège du « sans-fond », cadre le transfert. Réponse : oui, mais croire vraiment ce qui se dit fait partie d’une éthique — croire n’est pas avaler ; c’est tenir la valeur de la parole du sujet, sans ériger ce qui est dit en vérité universelle.
Malentendus, actes et polyphonie
Une scène locale est évoquée : une association d’entendeurs de voix s’exprime ; des soignant·es se sentent attaqué·es et réagissent. Croire « pour soi » ce que dit l’autre comme adressé peut déclencher des actes.
Autre vignette : au bistrot, un homme connu autrefois parle de mort ; une participante porte crédit à sa parole, appelle le 15, puis interroge son propre mouvement (peur, déni, passage à l’acte « pour le bien »).
Conclusion provisoire : il faut des espaces polyphoniques pour que la parole soit dite et entendue, et pour partager la charge du croire (et du risque qu’il comporte).
Croire & empathie
Une intervenante travaille avec des étudiant·es sur croyances et représentations ; elle interroge la relation entre croyance et empathie : parfois des croyances s’opposent à l’empathie (discours homophobes, racistes au nom d’un dogme), parfois la foi s’incarne comme empathie (figures évangéliques : « Laissez venir à moi les petits enfants », pierre non jetée à la femme adultère).
Un participant croyant distingue identité religieuse (culture, appartenance) et foi (mouvement vivant, non opposé à l’empathie).
Sortir de séance : météos
Beaucoup disent repartir alerte, allégé·es, parfois fatigué·es, mais « avec quelque chose ». L’une constate, non sans humour, que sa glycémie a baissé pendant la séance : effet réel d’une parole pleine. Une autre se dit impressionnée d’apprendre et d’oser prendre la parole, « un peu moins bête » en sortant.
Pistes ouvertes
- Croire & Foi : religion, médecine, spiritualité ; le crédit accordé aux discours de vérité.
- Croire & Corps : sensations, honte, honte somatique, dysmorphies ; ce qui s’inscrit et ce qui peut se déplacer.
- Croire & Voir/Douter : malentendu, adresse, preuve, vérification des sources ; fatigue contemporaine du « qui croire ? ».
- Croire & Valeur : performatif, reconnaissance, place du tiers (paiement, dette, transfert).
Prochaine séance : « Croire & Foi ».
Détails Pratiques
Dates des rencontres : 20 septembre 2025, 18 octobre 2025, 15 novembre 2025, 17 janvier 2026, 21 février 2026, 21 mars 2026, 18 avril 2026, 16 mai 2026.
Heures : De 16h à 18h (heure française).
Christine Jeudy | Psychanalyste | Besançon