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Pas de deux entre cancer et castration

un rêve pour représenter l'irreprésentable

Un rêve

Je suis en fac à Paris. Je découvre plusieurs jeunes filles (3) qui intègrent leur chambre. Les lits sont disposés tout comme dans la sitcom Hélène et les garçons. La première des filles rentre et ressort immédiatement en disant. “Mince il y a une invasion de grenouilles dans la chambre et en sous-sol.” Je leur propose donc d’aller vivre dans mon appartement qui lui est sain de toute invasion de grouillantes bestioles. Trois garçons arrivent, ils poussent un chariot de livre universitaire. Chacun vient draguer une des jeunes femmes, des beaux bruns ténébreux. Ils portent chacun un sac en toile à l’épaule avec toutes leurs affaires dedans. Nous entrons dans la chambre. Là je comprends qu’ils cherchent à s’installer en squattant la chambre qui n’est pas la leur. J’en choppe un, lui fait une clé de bras et le sort illico. Puis je me dirige vers un meuble qui trône dans la pièce, c’est l’ancien meuble de cuisine de mes parents. Depuis la mort de mon père, reste les croquettes du chien et de la pâté dans des pots et sacs bien fermés. Une mouche vole dans le placard. Quelqu’un, probablement l’une des filles, craint que ça pourrisse. Pas d’odeur suspecte. Je rassure les filles qui vont pouvoir s’installer tranquillement: pas de pourriture et les grenouilles ont disparues.

L’analyse

L’autre appartement

Le rêve organise les lits de la sortent:

  • dans mon appartement qui est sauf de toute invasion de grenouilles, de bestioles et de mecs.
  • dans la chambre où les filles avatars de moi même arrivent avec leur valise respective.

La chambre et l’appartement de mon rêve sont donc tout deux miens. Ils sont des pièces de mon inconscient. Mon rêve emprunte des images à ma vie de veille, qui m’a conduite il y a peu à flâner dans les rues de la plus belle ville du monde, pour mettre en représentation mon inconscient en tant que tel, comme l’ensemble des appartements, maisons, pièces de Paris. Ma psychanalyse ressemble en effet à une grande déambulation dans la ville moi même. Lors de ces visites oniriques et analytiques, je découvre derrière chaque porte un nouveau théâtre accueillant des mises en scènes splendides et surprenantes. Un point commun à l’ensemble de ces spectacles: le réalisateur moi même.

A vous écrire me revient en association le film d’animation “Le Château Ambulant” réalisé par Hayao Miyazaki en 2004. J’y retrouve une autre version de la représentation de l’inconscient, un château qui se meut en marchant sous le feu désirant de Calcifère. Outre sa forme vivante, le réalisateur l’a munis de trou me rappelant une bouche, des yeux, un anus et d’une multitude de pièces. De plus, la magie permet au château d’être en même temps dans plusieurs villes, offrant au visiteur qui toc à la porte un intérieur différent lorsque la porte s’ouvre, suivant le lieu d’où il se trouve. Pour le passager du château la différence sur le dehors est matérialisée par une roue de couleurs qui lorsqu’elle tourne indique le lieu d’où vient le visiteur. Je vais en revenir plus spécifiquement à mon rêve de la nuit, alors si vous voulez me lire plus sur le château ambulant je vous laisse cliquez ici

La faculté de Paris

Au réveil de ce rêve m’en est revenu un autre. Ce deuxième rêve, revenu clair net et précis je l’ai cueilli un matin du début de mon analyse avec Richard Abibon, entre 2017 et 2018. Pour lire le reste de rêve brute, vous pouvez cliquez ici. Les bras m’en tombent: comment est ce possible et pourquoi? pourquoi aujourd’hui?

La première idée qui me vient est un parallèle entre:

  • en 2018 un psychanalyste de Paris qui s’intéresse à moi au sens où il m’écoute deux fois par semaine, certes contre rémunération, mais quand m’aime (je voulais écrire :même), ça a rudement compté pour moi. En effet, au delà du paiement de mes séances, je m’en suis retiré l’idée qu’il m’a attribué de son temps et en sus m’a écouté.
  • en 2023 quelques psychanalystes de Paris m’ont contactée pour me soumettre l’idée de rejoindre telle école ou telle association de psychanalyse. Lorsque j’ai reçu leurs messages, à chaque fois, deux idées quasi simultanées me sont venues: la première de me sentir honorée d’une telle invitation et la suivante celle de rester dans la ligne du positionnement que j’ai pris il y a quelques années vis à vis des écoles, ou collectifs en psychanalyse et ailleurs, c’est à dire de continuer à faire ensemble sans les intégrer. Pour en lire plus sur mon positionnement vous pouvez cliquer ici et ici

Ici je peux dire que ce qui lie mon histoire de 2018 et celle de 2023 c’est le sentiment que j’éprouve généré par l’attention qui m’est portée en tant que Sujet.

La fac de Paris est une représentation devenue récurant dans mes rêves en métaphore des écoles et associations de psychanalyses. Ici ça cause rudement de ma représentation d’être une provinciale qui serait inférieur à l’intellectualité de la capitale, mais pas que. En effet je me mets ici en scène au sein de Paris et de son université. Autrement dit je me considère aujourd’hui tout aussi valable qu’un autre psychanalyste.

D’une position à une autre: une dialectique du mouvement, un pas de deux

Comme si j’avais une antériorité dans le temps, me voici à accueillir ces autres moi même dans leur chambre. L’invasion de grenouilles me fait penser à autant de petits zizis autonomes et grouillants source princeps de mes angoisses profondes.

Les deux versions de moi-même se trouvent mise en lien par tout un tas de phallus articulatoires.

  • D’un côté celle qui résous le problème en proposant un autre appartement sécure. Voici une position de sachant, de maitrise, de celle qui possède un zizi de remplacement, un zizi symbolique, comme si j’étais un garçon quoi. Je parle donc bien d’une position masculine. Ici je parle du lieu de l’inconscient hein, je me sais femme dans la réalité de vie de veille.
  • De l’autre, celle qui sort de la chambre effarée en faisant état de l’invasion de grouillantes bestioles. Ici j’y retrouve une position d’infériorité, de celle qui se retrouve face à ce qu’elle imagine de la fuite du zizi d’entre ses cuisses, autrement dit en position féminine. Le zizi, ici grimé en grenouille, s’est démultiplié à l’infinie augmentant l’horreur de la scène.

La scène où les trois garçons draguent les filles est très agréable. La tournure en squat d’un lieu qui n’est pas à eux l’est beaucoup moins. Ces hommes sont munies:

  • de livres universitaires représentant du savoir,
  • ainsi que de zizis

et tout comme les grenouilles, ils cherchent à envahir ma chambre par la porte, trou laissé béant par ma propre perte de zizi, me laissant en position féminine.

Le temps et ma psychanalyse m’ont donné une représentation de moi même de plus en plus fine et détaillée. Alors, en corolaire j’ai gagné une meilleure confiance en moi. Dans se rêve me voici mise en scène dans cette version suffisamment confiante en elle pour dégager les envahisseurs de son enceinte.

La force de l’analyse me permet de tuer l’illusion qu’être l’objet d’attention de quelqu’un engendre une pénétration, une invasion de ma chambre, c’est à dire une invasion de mon intérieur psychique et physique.

Le retour onirique de mon père

Mon père, mort depuis près de 2 ans, aimait infiniment son chien. Il lui portait une attention particulière et quotidienne. Sur les temps de repas, il allait passer un temps avec lui en lui apportant des croquettes agrémentées d’un peu de pâté, une douceur avatar de bonbons.
Mon rêve emprunte l’image du meuble de cuisine comme métaphore de mon corps où il y installe les douceurs de mon père, tout au creux de mon ventre. Dis autrement il s’agit ici d’une représentation d’une relation sexuelle incestueuse. La mouche qui s’envole est donc l’image de ce zizi/phallus que je m’imagine avoir perdu parce qu’ayant du faire une sacrée connerie: comme l’idée d’avoir un désir sexuel pour mon père par exemple.
Dans le rêve la crainte d’un pourrissement dû à la présence des croquettes de mon père dans le placard est évoqué. Oui, tout comme je vous l’écrit plus haut, la présence de l’idée d’un désir sexuel pour mon père est vue par mon inconscient comme la cause de l’idée de ma castration. Le pourrissement, la mort est juste une modalité d’expression de cette castration. La mort est vue une castration définitive du corps tout entier, lui même vu comme le zizi/phallus de ma mère.

Ce rêve, je l’ai cueilli mardi 24 octobre 2023 date de ma troisième opération dans le cadre de mon traitement du cancer du sein. Les résultats de la seconde chirurgie, sensée être une reprise de routine, ont laissés entrevoir la présence de cellules précancéreuses (cancer in-situ), pourtant absentes de la précédente pièce analysée.
Les grenouilles envahissantes sont aussi une représentation de ces cellules qui ne cessent de se multiplier, sans que je ne puisse en reprendre la maitrise. Une multiplication de cellules, comme une multiplication de zizis que je tente de me récupérer afin de conjurer ce drame inaugurale de ma castration.
Cette troisième opération, dernière avant l’ablation complète de mon sein, m’a sacrément remuée. Alors, allongée au bloc, après les présentations d’usages avec les soignants du jour, je me suis mise à leur raconter ce rêve et à l’analyser, histoire de parler de moi, de faire de la représentation de moi-même et ainsi de me récupérer en tant que Sujet dans un moment de ma vie où je ne maitrise rien. En parlant ainsi de moi et parce les soignants m’ont écouté, j’ai pu opéré un mouvement me faisant glisser de la position d’infériorité, subissant: à une position de Sujet.

Ici encore je viens tuer une autre illusion: celle qui dit que parce que je suis femme je serais prédisposée à subir dans ma réalité de vie de veille et à pourrir d’un cancer parce que j’ai eu l’idée d’un désir sexuel pour mon père. Bien sur que non: ma réalité intérieur n’est pas ma réalité extérieur et encore moins la réalité extérieure qui nous est communes à toutes et à tous.
Par leurs vies, leurs témoignages, une multitude de femmes viennent elles aussi témoigner de cette différence entre le mot et la chose. Aujourd’hui je me vois arriver à la table de ces femmes et trinquer fièrement pour fêter qui je suis: Christine Jeudy, née Dornier, femme et vivante. Parce que je suis cette Christine, j’occupe aussi des fonctions complémentaires: amante, mère, copine, analyste, concierge, taulière, facilitatrice…

Point de pourriture et les grenouilles ont disparues

Christine Jeudy | Psychanalyste | Besançon



Réminiscence d'un rêve ancien
Une nuit entre 2017 et 2018