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Une histoire d'illusion et d'hallucination

Quand 'l'insupportable sort dehors

Autant que je m’en souvienne, j’ai les yeux qui ont toujours été bien fatigués la nuit. Lorsque je conduis, le premier vient dire merde à l’autre. J’ai comme une tension douloureuse derrière, à la fixation entre l’œil et mon crâne. Les lumières viennent envahir mon champs visuelle, m’empêchant notamment de conduire. La semaine dernière, lors d’une de mes balades hebdomadaires, me voici à pénétrer dans le tunnel fluvial reliant la boucle du Doubs en son passage le plus étroit. Ce tunnel passe sous un mont orné de la citadelle. Un passage piéton longe un canal emplit d’eau lui même délimité par deux écluses. Dans la pénombre grandissante voilà que le phénomène se produit: une tache jaune arborant en son centre une tache noire beaucoup plus petite m’apparait et vient recouvrir tout une partie de mon champs de vision en surbrillance.

L’angoisse m’a pris. Le cœur qui bat, le souffle court, les jambes en coton. Pourquoi cette tâche? que m’arrive-t-il? un soucis somatique? puis m’est venu l’idée qu’il s’agissait peut être d’un tour de mon inconscient. J’ai respiré profondément. Je suis dit qu’il s’agissait probablement d’un truc en lien avec ma castration parce que souvent l’angoisse lorsqu’elle pointe le bout de son nez ma castration n’est pas loin. C’est alors que d’un coup, à l’approche de la sortie du tunnel ma vue est devenue nette et claire. C’est con mais j’en ai pleuré tout en respirant l’air frais à la lumière du soleil. Puis j’ai continué mon tour fort agréablement.

C’est le soir, papotant avec des amis que j’évoque cet épisode. Pour mieux leur expliquer, j’ai pris le temps de leur dessiner ce que j’ai vu.

En dessinant j’y ai vu une paire de fesses et son anus. Le tunnel sombre et sa sortie lumineuse, l’eau, m’ont fait penser à un col de l’utérus que je serais en train de parcourir. C’est vers la sortie que ma vue s’est éclaircit, me permettant de goûter cet air frais s’engouffrant dans mes poumons. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre de ce dont il s’agit: une mise en représentation d’une naissance avec l’enfant s’engageant tête en bas sur le chemin utérin, laissant paraitre sa paire de fesses garnit de son anus: la représentation d’un trou sur un trou.

Cet épisode d’hallucination je la mets en lien avec l’écriture de mon texte l’araignée au plafond qui reprend l’état de mes recherches quand à ce qui se tisse entre une mère et son enfant. Ce travail sur le ravage mère fille, je l’ai accouché après plusieurs semaines d’analyse.
Cette hallucination est une sortie dans ma réalité de vie de veille de ce que j’ai mis au travail ces dernières semaines, en terme de tenter de faire de la représentation là ou il n’y en a pas et sur la question de mon origine:

  • d’où je viens?
  • qui suis je?

D’où je viens? et bien déjà du ventre de ma mère. Je vis ma naissance comme si la fille moi même était un membre coupé du corps de ma mère. Voici donc mon traumatisme premier, à la fois:

  • l’idée d’être castrée de ma mère
  • l’idée d’être le membre castré de ma mère, ce qui induit la création d’un trou dans son entre cuisses.
    S’induit ici l’idée que chez ma mère, représentante de la femme, j’ai été dans son entre cuisses l’équivalent d’un zizi. J’emploie le mot zizi pour souligner l’époque infantile à laquelle se sont construites ces représentations.

La couleur jaune de la tâche me fait penser au pipi qui lui aussi sort de l’entre jambes des êtres humains. De là à associer mes fesses en train de sortir du tunnel utérin au pipi mon hallucination n’a fait qu’un pas. Cette reconstruction à posteriori dans un mouvement de contraction assimile mon corps à l’excrément qui sort du ventre de ma mère. L’anus représenté par la tache noire au centre de la tâche jaune vient comme un rappel du trou formé par la sortie du tunnel, et un rappel du trou par lequel sort un excrément.

Une phrase entendue dans la cour d’école me revient “mais tu es fini à la pisse toi non?”. Ce souvenir tombe à pique et me fait passer à un autre morceau de l’histoire qui explique mon origine. Oui pour que ma mère puisse tomber enceinte, c’est qu’elle a couché avec mon père. C’est ainsi que, par le zizi de mon père, des gamètes mâles, essentielles à ma création, sont entrée dans le ventre de ma mère. Ici encore la chose de la conception de l’enfant moi même passe par un lieu tout proche du lieu du pipi. Cependant, c’est la pénétration d’un zizi dans un trou qui retient mon attention ici. En effet au delà du plaisir que j’ai découvert une fois adulte, c’est une monstruosité que j’ai retenue enfant. L’horreur tenait à la chose suivante: le zizi rentre dans le trou comme s’il le perce.

Et sinon? pourquoi cette sortie hallucinatoire en vie de veille? pourquoi l’angoisse? et bien parce que l’idée d’être trouée j’aime pas bien et parce que justement ça me renvoie à l’idée de ma castration. La rentrée dans ce tunnel m’a permis de revivre un déplacement dans un passage sombre qui tend vers une sortie lumineuse. La réalité de vie de veille que j’ai vécu à cet instant, est venue convoquer comme une redite de ma naissance. Le point de vue me permettant ce jour là d’adopter un point de vu sacrément nouveau: d’observer mon propre cul qui sort du col de l’utérus, faut le faire quand même.

Me voici avec un œil plus tranquille la nuit, la tension de mes globes oculaires se sont détendus et les tâches ne sont pas revenues. Voila ce que produit la psychanalyse, une définition un peu plus grande des champs de la réalité et du fantasme, permettant ainsi de mieux en cerner les limites. C’est parce que j’ai tué l’illusion que la représentation était la réalité que l’apaisement est advenu.


Une araignée au plafond
et cocon associé