Préalable subjectif et méthodologique
L’ensemble de mon intervention est l’histoire à l’instant d’aujourd’hui de mon travail en psychanalyse. Pour vous raconter mon histoire, je vais utiliser des représentations / des images pour vous transmettre ce qui me traverse.
J’entame donc mon intervention comme un préalable méthodologique:
La représentation: de quoi je parle?
D’abord les organes des sens perçoivent
- vue
- ouïe
- toucher
- gout
- odorat
La perception est calibrée sur un spectre particulier, lié à la capacité de réception de l’organe des sens et au fait que nous soyons êtres humains.
Ensuite ça s’inscrit dans la mémoire sous forme de trace perceptive. Ce qui a été perçu par les organes des sens est inscrit comme une masse de traces de perceptions. Dis autrement les traces perceptives sont illisibles. Je fais le choix d’appeler ces traces perceptives Réel.
Ces traces subissent alors un encodage par le symbolique: nait alors la représentation.
La représentation est une représentation subjective: elle diffère d’un Sujet à l’autre et elle est différente de la chose qu’elle représente.: nait ici ce que je vais appeler la conscience.
C’est donc avec les perceptions et les représentations que nous construisons ce qui s’appelle la réalité.
La représentation: une fonction à la fois individuelle et collective dans le lien avec l’autre.
Si je vous dis de penser à la table de salon de vos grands-parents, j’imagine que vous avez tous dans la tête l’image de la table de vos jeunes années. L’image hein, pas la table pour de vrai.
Il se trouve que tous ici nous n’avons pas les mêmes grands-parents: donc l’image / la représentation de la table n’est pas la même, et pourtant nous avons tous l’image d’un plateau muni de quatre pieds.
A la fois:
- ça dit que le mot table nous donne un espace de compréhension commune, comme une convention qui permet de nous mettre d’accord sur la dénomination de l’objet table.
- et qu’à la fois il y a un effet du subjectif dans la représentation. La table des grand-parents d’un autre n’est pas la même que celle de mes grands-parents.
Les tables ne se ressemblent pas tout à fait mais nous pouvons nous comprendre sur l’image générale de la table: un plateau muni de quatre pieds. Dit autrement le mot table est une étiquette qui permet la dénomination d’un objet composé d’un plateau, de quatre pied et sur lequel nous pouvons manger. Une telle convention se mets au service d’échanges entre être humain. Oui si certains appellent une table: “chaise” et les autres “table”, avouez que pour se comprendre ça va pas être simple: Bonjour les malentendus.
A l’usage de ce préalable méthodologique je me suis rendu compte:
- que pour certains le mot “table” leur font penser aux tables de la loi et non au plan muni de quatre pieds qui permet de manger ou de travailler dessus.
- que pour d’autres leur esprit a discouru sur le fait que dans certaines civilisations l’objet table n’existe tout simplement pas.
Dans la suite de mes lignes, je vais utiliser des étiquettes/ des représentations/ des images pour vous décrire ma pratique de moi au sein de mon laboratoire : la psyché et son impact dans ma pratique d’écoute de l’autre. Par définition ces étiquettes / images / représentations ne représentent pas une réalité universelle.
Elles sont:
- à la fois issues de ma représentation subjective
- me permette de vous transmettre une partie de mes travaux dans la discipline psychanalyse
- liées à mon contexte personnel et culturel
- fausse au sens ou elles ne sont pas la chose qu’elles représentent
L’histoire que je vais vous conter je la vois comme le code source de ce que je trouve dans le laboratoire de mon inconscient. Elle correspond à mon usage, ma pratique de moi. Lorsque j’ai besoin, lorsque je trouve un écart entre ce que j’ai écrit dans mes tentatives de théorisation et ce que je trouve dans mon laboratoire de recherche (ma psyché), je le modifie en fonction de mes trouvailles de recherches. Ainsi il continue à m’être utile et je garde une trace de la progression de mes travaux. L’ensemble de mes écrits reflète à l’instant de l’écriture l’état de mes recherches sur la psyché humaine.
Vous pouvez prendre l’ensemble de mes travaux, l’utiliser, le transmettre, le modifier pour qu’il convienne à votre usage et à ce que vous trouverez dans votre propre laboratoire de recherche (votre psyché en somme). Je vous demande seulement de me citer si vous en utilisez tout ou partis. J’ai choisi de faire vivre mes idées et travaux en les mettant sous licence créative commun Je rend ainsi mon travail libre.
Ce processus de travail dont je vous parle ici, je le vie également en tant que bénéficiaire du travail des autres rendus libre:
- par le temps (travaux tombés dans le domaine public)
- par la volonté de leurs auteurs (publications rendues plubliques)
J’ai bien
conscience qu’en psychanalyse la question de la licence créative commun
n’est pas d’actualité hein. Et peut être je resterai la seule à aborder
le partage de mes travaux par ce biais: et ça me va bien. Le choix est
une chose vitale pour moi. Un fonctionnement unique me donne la
sensation d’être l’obligée d’un autre. Si accepter d’obéir à de mes
parents a été la graine/ le germe de mon devenir de Sujet à par entière,
la dérive de n’avoir plus que l’obligation représente pour moi une
dictature et un risque majeur: celui de tuer le Sujet.
Je sens le désir d’écrire à ce propos: je me garde cette piste pour un
futur article. J’y aborderai également la notion de vocabulaire sous
l’angle de comment ça aide à faire corps dans une bulle particulière,
comment entrer dans un corps de métiers par exemple: le champ lexical
comme liant entre des Sujets formant un seul corps: celui de leur
métier.
La chose fonctionne aussi pour toutes autres bulles, cercles… ce n’est pas limité au métier.
A la fois j’ai appris, et continue d’apprendre ces vocabulaires
différents (oui sinon comment écouter les gens que j’écoute qui viennent
d’autres horizons que moi?) et à la fois je les redoute parce que lieu
de guerre de chapelles inéteignable de génération en génération.
Bien, les contours de mon propos étant posés: j’en reviens à la question qui m’occupe aujourd’hui: l’angoisse et moi j’en pense quoi?
L’angoisse c’est un sentiment
Un des premiers mots qui me vient concernant la sensation d’angoisse: c’est le mot sentiment. L’angoisse je la situe donc dans le champs de mes affects/ sentiments. L’affect signe un état de mes rapports à l’autre.
Un sentiment au même titre que:
- l’amour, la joie
- la haine, la tristesse, la colère
- la honte, la peur qui colle au deux précédents
J’aime ou je haïe une représentation dont je cerne parfaitement les contours: ma mère, mon père, l’argent, tel ou tel comportement…
Lorsque j’éprouve de l’amour par rapport à un autre: je cherche l’union, et lorsque c’est la haine je cherche la séparation.
“La honte, elle, est le rapport à l’autre en tant que la haine de l’autre / l’amour de l’autre revient sur ma personne propre en tant que je me sens coupable: autant d’aimer que de haïr. L’affect que j’éprouve pour l’autre revient en un affect pour moi: j’ai honte de ce que je ressens pour l’autre.” Cette phrase je l’emprunte à Richard Abibon parce qu’elle me convient donc bon, pas très envie de tenter d’écrire plus jolie pour dire la même chose.
Mais alors et l’angoisse? et bien quand je dis angoisse, c’est l’idée d’un creux/ d’un trou au bas du ventre qui me vient. Un sentiment de vague malaise qui peut se faufiler jusqu’à mon cœur (une vraie balade corporelle). Je l’ai vécu ces six derniers mois, elle est restée comme une bonne copine, la bonne copine vue comme un pilier de bar qui m’accompagne dans des tréfonds un peu glauque. Mon analyse en a sérieusement atténuée les effets dans ma réalité de vie de veille: j’ai arrêté la clope, je bois beaucoup moins et j’ai mon envie de manger qui me laisse un peu plus tranquille. Pourtant j’ai eu ce creux dans le ventre, une peur d’un je ne sais quoi qui pourrai arriver.
Lorsque j’angoisse il n’y a pas de représentation de ce qui provoque ce sentiment. Parfois ça s’exprime sur une chose, comme ma crainte de chuter, de perdre mes clés ou bien encore mon horreur des petites bêtes rampantes.
J’ai
compris de Freud qu’il dit: “La représentation est refoulée mais pas
l’affect” Mes recherches viennent confirmer que la représentation peut
être refoulé, elle est plus là et une autre représentation peut venir à
sa place.
Ici je complète en disant: l’affect n’est pas refoulé mais le nom de
l’affect oui il peut être refoulé. C’est la représentation de l’affect
lui même qui peut être refoulée.
Or lorsque je nomme un affect, je lui met un nom, une représentation: ben l’affect devient moins pénible. L’effet de nommage, la représentation fait par le Sujet lui même à pour effet d’apaiser les sensations désagréables. Si le nom vient de dehors c’est un nom technique et ça glisse sur moi comme de l’eau sur une plume de canard: oui être dans les mots de l’autre c’est justement une des représentations que je refoule parce que désagréable.
Du sentiment à la représentation
Lors
de mon exercice professionnel en tant qu’assistante de service social,
j’ai été amené à occuper une fonction d’animatrice de groupe d’entraide mutuelle.
Afin de parvenir à mes fins d’animation, je me suis entourée de quelques
bénévoles, le statut associatif de la structure me permettant de le
faire. L’un d’eux, Jean-Claude de son prénom, a partagé mes repas du
mercredi midi pendant près de deux ans. L’homme au delà de sa barbe
blanche qui laissait présager une sagesse que je n’avais pas encore, a
fait preuve d’un vrai soutien dans mes réflexions globales sur mon
action.
Je vous propose un focus sur l’échange suivant:
- le gars me dit: “Christine, réfléchit, de quoi tu te souviens dans la vie?”
- moi de répondre “ben des trucs qui m’ont marqués: triste ou joyeux, c’était toujours des moments spéciaux pour moi”
- Lui de conclure " ben voila ce qui marque la mémoire d’un être humain c’est un truc qui lui a fait quelque chose, un sentiment agréable ou non."
Dit autrement, ce qui me marque, ce qui me troue, ce qui me reste en mémoire sont des images/ des représentations de mon passé qui parce que j’ai été touchée dans mes sentiments, se détachent d’un ensemble plus compact dont je ne me souviens pas.
Dans le je ne me souviens pas, me vient deux choses:
- le souvenir n’existe pas, il n’y a pas de représentation au sens ou la masse de mes perceptions de l’époque n’est pas passé sous la lame du symbolique. La masse perceptive n’a pas été découpée pour former une image. Je n’ai pas ressenti de sentiment qui a fait émerger une représentation de la masse compacte de mes perceptions.
- le souvenir n’est plus accessible, l’image/ la représentation est cachée dans les tréfonds de mon inconscient parce que vu comme désagréable. J’ai tendance à oublier les choses qui m’ont procurée du déplaisir, voir de l’horreur: j’ai plus envie de le voir chez moi: c’est l’effet de censure/ de refoulement/ de déni
Dans les deux cas, c’est mes sentiments qui expliquent:
- la découpe dans la masse de mes perceptions: c’est parce que j’éprouve un sentiment que je détache une image d’une passe compact de perception
- l’accessibilité / la non accessibilité d’un souvenir, d’une image, d’une représentation: c’est parce que j’éprouve un sentiment que l’image / la représentation est accessible à mon conscient ou pas.
Ces deux mécanismes bien que sensiblement identiques sont pourtant bien différent.
- Pour le premier il s’agit du constat de la non production d’une image/ d’une représentation. Il n’y a pas de différence dans la masse des perceptions.
- Pour le second il s’agit d’une conséquence de l’absence d’une représentation qu’il devrait y avoir. La représentation n’est plus accessible parce que vu comme terrible: un zizi plus là ou qui pourrait ne plus être là la castration
Qu’est ce que la castration,
C’est le moment ou l’enfant se rend compte qu’il y a ou pas un zizi entre les cuisses de la moitié des êtres humains: qu’il y a une différence. Cette différence l’enfant se l’explique par l’idée qu’il y avait un zizi qui a été coupé.
Dis autrement l’absence de zizi pour de vrai est vu comme une absence de représentation du zizi là ou il devrait y en avoir un. ça laisse un rien, un trou. J’ai trouvé dans mes rêves des scènes ou je me dis qu’il y a rien là ou il devrait y avoir quelque chose. J’ai des analysants qui témoignent de moment de vie ou le cousin, le frère, le copain vient regarder sous une jupe et dit “y a rien”
Dans le champ de la réalité: pour de vrai, il n’y a pas de zizi sur un sexe féminin
Dans le champ de l’imaginaire:
- pour de faux, l’enfant attendait une représentation de zizi sur le sexe féminin: mais il n’y en a pas.
- La représentation est absente/ y a comme un trou / un rien là ou il devait y avoir un zizi.
- Ce qui vient tout de suite c’est " il a été coupé"
- La représentation que le sexe féminin c’est un rien/un trou/un zizi qui manque.
- L’absence de représentation du zizi amène une représentation du trou, c’est à dire de la castration/ c’est à dire de l’affect comme tel (parce que l’affect c’est le trou), c’est à dire de l’angoisse…
- l’angoisse c’est le trou en tant que il pourrait y avoir quelque chose.
L’absence de présence du zizi pour de vrai, amène une absence de représentation du zizi là ou l’enfant en attendait imaginairement une. Ceci amène de suite une représentation de la coupe du zizi / castration, qui amène à son tour une représentation du trou.
Un rêve en association
Je
suis en déambulation dans Besançon. Je cherche à passer d une rue à une
autre alors je passe par l arsenal. Là, une nuée de chauve souris
s’abat sur un arbre où dormaient, bien rangés, une nuée de pigeons. Ils
s’écroulent comme des dominos et se mette à courir au sol poursuivit par
les chauves souris. Je suis avec quelqu’un, je lui dis de me suivre. Je
cours jusqu’à à une ouverture, toute petite. Je ressens un sentiment de
panique, d’effrois. Je sais qu’en traversant par là on retrouvera la
rue de l’ autre côté. Une plaque a été ajouté à ce que je lui connaît
d’habitude. Je la déplace rapidement. Là je trouve une foultitude de
gens, une tente dans le hall, et tout un fatras indescriptible. Je
comprends qu’il s’ agit de SDF. Au même moment un mouvement de foule se
met en place, des gendarmes sont là, partout. Les gens en pyjama se
sauvent devant eux de salles en salles. Je me cache dans les coins plus
sombre,
D’un coup je me retrouve dans la chambre de jeune fille qui me prenne
pour un flic. Elle m’invective violemment. “Ta gueule sale flic où je
t’encule” moi de me lever et de lui dire en la prenant par le bras “et
si on commençait maintenant ?” Elle se rassoit sur son lit et se ravise,
devenue un peu plus tranquille. Moi “bon aller écouter mes conseils et
cassés vous par là vous risquez pas de croiser les flics”
L’analyse
Ici
je parcours le rue de ma ville pour rentrer à l’Arsenal: ancienne
maternité de Besançon. Oui ça ne s’invente pas, vous fallait ma
précision pour comprendre comment j’ai associé l’Arsenal au ventre de ma
mère.
Le parcours de mon rêve suis le sens d’une rentrée dans son ventre. Dehors le sapin trône tel un phallus/ zizi majestueux qui pourtant est le lieu de la chute d’une multitude de pigeons. Une version onirique de “mon petit oiseau s’est envolé” Ici la gravité les faits tomber, un à un, comme un rappel interminable de la chute. Les chauves souris attaquent, noir comme les poils pubiens de ma mère, elles même rappel de ce sexe de femme qui implique la chute d'un zizi.
Le rêve me fait rentrer parce que submergée par cette multitude de petits zizis grouillant au sol. Je desselle une plaque qui a été mise devant l’entrée étroite et fine: l’entrée du ventre de ma mère s’est scellé dès ma sortie. Ici je me mets en scène en train de faire sauté le sceau, le verrou.
Dans ce ventre plusieurs choses:
- une multitude de gens indéfinissables, je ne les reconnais pas et un fatras indescriptible: ici je reconnais des traces de perceptions qui n’ont pas été encodées par le symbolique / par l’affect. Se sont des traces qui restent une fois la représentation sortie de dessous du ciseau de mon sculpture de symbolique. Ici je dis le Réel afin de différencier la masse des perceptions non encodées de la réalité que je bâtie à l’aide de mes représentations (j’y reviendrai un peu plus loin dans mon propos).
- des gendarmes qui
viennent chasser les SDF et les jeunes filles sont autant de
représentations de moi. D’une part les jeunes filles qui se trouvent
dans le ventre de ma mère comme mise en scène onirique d’une réalisation
de mon désir sexuel pour ma mère / je dis le ça
D’autre part une mise en scène de moi à la fois dans la non réalisation de mon désir sexuel pour ma mère: les gendarmes / je dis le Surmoi - une représentation de moi entre les gendarmes et les jeunes filles, une composition des deux deux qui fait de moi Christine Sujet à par entière / je dis le moi
Pour conclure sur la différence entre: il n’y a pas de représentation et il n’y a plus de représentation
La ressemblance entre les deux mécanismes je la trouve frappante. La question de la coupure revient dans les deux cas. Dans ce rêve se côtoie les deux mécaniques, toutes deux coupures qui se retrouvent l’une à côté de l’autre: la représentation de la coupure du zizi castration tout au bord de la découpe qui a fait naitre la représentation de la masse de mes perceptions sur le bord du Réel.
La force de l’analyse me permet de saisir le pourquoi d’une telle proximité et en même temps leur différence fondamentale: la structure de découpe de l’une me rappelle l’autre et pourtant il ne s’agit pas du même mécanisme.
- Pour l’un la découpe a lieu dans une masse perceptives qui n’a pas encore d’image/ de représentation. A cette coupure j’associe une relative indifférence dans mes rêves, les gens que je croise dans l’Arsenal et le fatras ne m’émeuvent en rien. Ils sont juste là. Il n’y a pas d’affect.
- Pour l’autre la découpe a lieu sur un corps, venant enlever un membre au corps. A la fois le corps est symbolisé au sens ou il est une représentation et l'on en retire la représentation d'un morceau tout aussi symbolisé: le zizi. Dans mon rêve le sentiment de malaise vient à la fois des pigeons qui tombent, les chauves souris qui virvoltent et les gendarmes qui font fuir les occupants sans droit du ventre de ma mère: autrement dit ici tout est symbolisé / il y a de la représentation et ça m fait penser à oedipe et castration.
Je parle bien évidement ici d’un imaginaire de petite fille, aujourd’hui je sais qu’il ne me manque rien et je fais l’hypothèse que pour les hommes ils savent pour de vrai qu’il ne vont pas se faire couper le zizi. Cependant, ce qui est inscrit dans l’inconscient, dans la psyché reste.
Or c’est justement lorsque je ne vois pas / ne veux pas voir que parfois ça / l’idée de castration ressurgit dans mon quotidien de vie de veille. C’est à cet endroit / moment précis où je peux souffrir dans mon corps, dans comment je me sens / dans ce que je ressens: ressentir de l'angoisse en vie de veille.
Je dis donc:
- l’angoisse c'est de l’affect
- s’il y a de l’affect il y a du trou/ de la coupure dans la masse de mes perceptions pour en dégager ce qui m’a émue.
- que la représentation c’est la surface qui se détache de la masse perceptive qui a été entamée par l’affect / le symbolique en tant que tel
- il y a donc un lien entre angoisse et représentation.
- que l’angoisse vient de l’absence d’une représentation que je m’attendais à trouver
L’enjeu, pour le Sujet (la machine à faire des représentations que je suis) est de se construire une réalité avec ses représentations. Autrement dit c’est avec les représentations que j’ai dans la tête, articulées avec les infos en provenances de mes organes des sens que je me construis une réalité. Je note ici que ma réalité a une couleur particulière: celle de ma subjectivité. C’est parce qu’une représentation se différentie de la masse de mes perceptions qu’apparait des points de repères me permettant de trouver du sens, qui je suis? d’où je viens? où vais-je?
Je vous propose maintenant d’aller regarder d’encore plu près ce qui se passe entre la représentation et l’angoisse.
Peur où angoisse?
L’angoisse dans sa manifestation ressemble à ce que je ressens lorsque j’ai peur. D’ailleurs je le dis: je parle de la peur d’un je ne sais quoi. Dans ma perception, il s’agit d’un creux au ventre encrée dans une peur dont je ne parviens pas à voir l’origine.
Lorsque je suis dans la rue, que je manque de prendre un pot de fleur sur la tête (j’ai pris cet exemple parce que je l’ai vécu), mon cœur s’emballe, une sensation diffuse et cotonneuse gagne l’ensemble de mon corps, mon souffle s’accélère, un creux se forme dans mon ventre. Dans ce cas précis je fais le choix de parler de peur. Peur au sens où je vois l’origine des mes sensations physiques, j’aurai pu me faire tuer pour de vrai par le pot de fleur. Il y a une image/ une représentation dans le champ de la réalité, qui est à l’origine de mes sensations physique: le pot de fleur est tombé pour de vrai. Ici je parle de peur.
Lorsque
à n’importe quel instant, des sensations identiques à celles que je
viens d’évoquer me tombent dessus, sans image/ représentation menaçante,
issue de la réalité: là je parle d’angoisse.
Je peux imaginer qu’un pot de fleur pourrait tomber, mais il n’est pas
tombé pour de vrai. Ici il n’y a pas d’image / de représentation de la
réalité qui est à l’origine de mes sensations physique. Là je parle
d’angoisse.
Autrement dit, il y a une différence entre peur et angoisse:
- peur du pot de fleurs, manifestation corporel de la peur
- angoisse, la même chose se manifeste mais pas de danger à priori : pas de pot de fleur à l’horizon
Je vais dérouler mon propos en partant de cette sensation, ce creux que je sens dans mon corps, cette sensation cotonneuse qui gagne parfois du terrain dans mon corps jusqu’à me clouer dans mon lit ou un canapé, à ne pas pouvoir prendre un crayon pour écrire, comme si j’allais jamais pouvoir sortir du gouffre que j’ai dans mon ventre.
Une boule qui suit parfois encore mon actualité
Des éléments de mon contexte
Mis janvier 2022, Richard m’appelle. Lors d’une visite chez son médecin s’est décidé une hospitalisation. Me voici partie chez lui pour lui boucler une valise et la lui porter. Jusqu’au 23 février 2022 nous avons continué à travailler la psychanalyse: la mienne et la sienne, ainsi que nos échanges sur la transmission.
Un
brin fière d’avoir les oreilles suffisamment fines pour l’écouter, je
lui ai exprimé ma frustration: “Punaise mais ce que tu racontes au delà
de toi, là, c’est si précieux d’avoir un témoignage de quelqu’un qui est
en train de mourir. Y a que toi qui peut porter ta propre parole là
dessus. Si c’est moi qui raconte ça sera pas tes mots. Je sais pas
comment faire pour transmettre”
Lui de répondre " Ben tu raconteras toi ce que tu as vécu à m’écouter" Une phrase bien a lui, bien relou.
Ce genre de phrase qui m’invite à être moi, à parler de moi. Ce genre de phrase qui fait garde corps à ma tentation de me raccrocher à quelqu’un sensé savoir pour moi
lorsque je doute de moi, de qui je suis, de mon identité. J’ai en effet
tendance à m’accrocher aux branches quand je suis seule à penser par
moi même.
L’effet “je ne veux pas voir/ pas savoir”
Je
suis aujourd’hui bien d’accord avec la phrase de Richard. C’est en
parlant de moi que je fais de la psychanalyse, ma psychanalyse, que je
suis moi et en corolaire/ en effet secondaire que je m’apaise, la boule
au ventre s’apaise. ça j’ai du le vivre dans ma chair pour comprendre
l’entièreté de la chose.
Mais merde c’est dur, j’ai pas envie. C’est dur parce qu’analyser ce que
j’ai vécu pendant ces moments passés à ses côtés c’est mettre des
représentations sur sa mort. Analyser ce que j’ai vécu c’est identifier la coupure/ la différence entre la réalité où il est plus là et mon imaginaire où il est encore présent.
Une sorte de là/pas-là qui me rappelle fortement le fort-da. Ce mouvement de jeter au loin l’objet pour mieux en récupérer une représentation.
Petite fille, ce là/ pas là m’a sauté aux yeux avant de sauter au fin fond de mon inconscient sous le mode: l’humanité est coupé en deux:
-
Il y a ceux pour qui il y a un truc entre les cuisses qui est pas là (coupé)
-
Il y a ceux pour qui il y a un truc entre les cuisses qui est là
Dit autrement ce là pas/ là est vu comme similaire à ma maitrise du départ de l’objet dont je cherche à me récupérer une représentation. Je jette l’objet au loin pour me récupérer la représentation dans la tête: pas l’objet pour de vrai.
Ce là/ pas là, cette coupure entre le mot et la chose dont je parle plus haut: le mot (champ de l’imaginaire/ du symbolique) n’est pas la chose (champ de la réalité) qu’il nomme. Ce là/ pas là vient me rappeler la coupure que j’imagine entre mes cuisses, pas de zizi / le zizi en moins: ma castration.
A la fois cette coupure:
- est nécessaire pour fabriquer de la représentation: donc nécessaire à ma naissance en tant Sujet
- est terrible et refoulée parce que horrible d’imaginer qu’un zizi puisse ne pas être là/ coupé/ envolé…
Je suis abasourdie de comment, même en analysant rêve après rêve, nuit après nuit, cette confusion entre mon imaginaire et la réalité peu ressortir comme ici. Parce qu’il est mort: “plus là dans la réalité, mais là en représentation dans mon imaginaire” mon inconscient m’a renvoyé tout droit à la perte imaginaire de mon zizi, ce là/ pas-là à l’origine de la création de mes représentations. Je comprend mieux pourquoi on dit “j’ai perdu un tel ou un tel” pour parler d’un proche qui est mort. En tout cas pour moi ça colle grave cette expression.
Il m’a dit de raconter ce que j’ai vécu pendant ce temps qui l’a conduit à la mort. Je commence tout juste à entrevoir le début de mon histoire.
Et lui sans crier gare, un matin je l’ai vu poster un premier écrit, puis un second le jour suivant et ainsi de suite jusqu’au 15 février… Ce qui m’a laissé sans voix, n’étant pas le contenu que j’avais déjà entendu: mais la force qui était la sienne. Jusqu’au bout il a fait le choix de transmettre. Vous pouvez trouver les publications qu’il a écrites depuis l’hôpital en remontant son mur Facebook, ou encore sur mon site où j’ai tenté d’en faciliter l’accès libre. Sacré cadeau pour la psychanalyse, pour moi et tous ceux et celles qui liront ses lignes.
Les différents modes d’expressions de l’angoisse
Quand l’angoisse se transforme/ se transporte sur d'autres modes d’expressions
De la honte jusqu'au au cumule
L’angoisse
peut se transformer en honte: pudeur chez les femmes pour cacher ce qui
ne saurait être vu: comme l’exemple du voile qui à mon sens permet de
cacher la femme ou encore la fausse modestie qui m’a suivie pendant des
années.
A l’inverse les hommes peuvent adopter un mode d’expression plus exhibitionniste de leur réussite, de leur belle voiture, de la jolie femme qu’ils ont au bout du bras. Un truc du genre je montre que j’ai un zizi quoi, et un gros. Parfois en réunion, lorsque je suis en binôme avec un collègue, je dis une phrase… silence. Mon collègue dit la même phrase, mot pour mot et là l’homme en réunion avec nous “Ah mais oui c’est ingénieux…”
Aujourd’hui mon analyse aidant je ressens moins de colère viscéral et
immédiate: je me sens plus assurée et j’assume ma parole au delà de la
représentation que je me fais de la représentation de l’autre à mon
égard en tant que Sujet de sexe féminin ou comme élève d’un tel ou un
tel psychanalyste. Je parle en tant que Sujet Christine de ma
compréhension du monde et de la psyché humaine à cet instant T.
Comprendre le pourquoi des mécanismes n’excusent rien, il me permette juste d’être encore plus Sujet Christine qu’hier et les jours d’avant.
Je fais l’hypothèse aujourd’hui que si l’on a besoin d’accumuler les représentations/ d’accumuler des richesses, des enfants, du savoir, c’est parce que nous sommes tous dans l’angoisse de castration. Les objets viennent boucher le trou de l’angoisse de castration.
La structure de l’être humain fait que l’humanité est divisé en deux: les hommes et les femmes. Avec le zizi comme argument articulatoire entre les deux: on l’a ou on l’a pas.
Mon analyse me permet d’identifier la chose chez moi avec en corolaire un apaisement grandissant.
Mon autorisation à devenir psychanalyste c’est aussi dire la chose
suivante: quand j’écoute les gens, plus ils mettent de la représentation
sur leur mécanisme inconscient, même ceux refoulés et bien petit à
petit il confonde moins la réalité et l’imaginaire. Il gagne en
apaisement et ne sont plus obligé pour de vrai d’accumuler autant
d’objet… bon chez moi je cumule encore en fait: la terre vivante. Je
garde et je cumule des matières carbonées et azotées pour venir nourrir
le sol du jardin dont je prend soin. Derrière cette action y a aussi me
garantir un “je manquerai pas: de bouffe”
Au passage à l’acte de coupure ou de rajout
Je vis aussi ces mouvements d’expressions de mon angoisse de castration sur la gestion de ma chevelure: parfois des envies brulante d’aller chez le coiffeur, parfois c’est laisser grandir qui me fait tripper.
Je fais l’hypothèse que pour les Sujets qui expliquent se sentir homme dans un corps de femme (et inversement) il s’agit d’une manière dont s’exprime l’angoisse de castration. Alors, que devenu adulte le Sujet décide de se faire opérer pour avoir un corps qui lui rappelle le sexe qu’il souhaite avoir ben je dis c’est une expression en vie de veille de ce que moi je vis avec mes cheveux. Chacun fait bien comme il peut avec cette affaire de la castration.
Le sujet est plus qu’épineux et je ne cherche à convaincre personne hein. Je dis juste là où j’en suis de mes réflexion. Je trouve souvent dans mes rêves des représentations de moi garçon: oui avant de me faire coupé le zizi ça implique dans mon imaginaire que j’en avais un. J’aurai voulu être un garçon, ma fille témoigne elle aussi: “tu sais maman je sais que je suis une fille hein, mais j’aurai bien voulu être un garçon. Pis être une fille ça a aussi des avantages hein, moi je peux mettre un coup de pied dans les coucougnettes d’un garçon s’il m’embête” Encore une fois chaque sujet est singulier, et oui surement que mon positionnement de moi vient jouer dans le positionnement de ma fille, comme celui de ma mère en son temps avec moi. Pour en savoir plus sur la question de “qu’est ce qui se tisse entre parents et enfants” je vous renvoie aux vidéos suivantes:
Et au texte créature versus créateur : cliquez ici
Maintenant, pour moi ce qui compte c’est ce que le Sujet dit de ce qu’il vit et in fine comment il est écouté. Alors quand j vois des reportages comme sur Arte qui parle de Sacha, ben là ça ne me convient pas, parce que je n’entends jamais: le Sujet en question. Comme complément je vous renvoie à la vidéo de Richard Abibon
que je plussoie des deux mains. Je dirais pas tout exactement pareil
hein, mais là le temps me manque pour réécrire un truc la dessus (ça
viendra peut être)
Pour moi dire: "ce que tu as dans la tête c'est la réalité" c'est entrer dans quelque chose de l'ordre du délire. Ecouter un Sujet c'est justement entendre ce qui'l a à dire, croire les paroles qu'il dit: pas le devancer ni entretenir le mélange entre l'imaginaire et la réalité. La question parait plus simple lorsque la personne dit je suis dieu, ou je suis un extra terrestre: personne n'ira lui dire : "oui tu as raison tu es un extra terrestre"
Une angoisse en balade corporelle
Lorsque la représentation est refoulée: que je veux pas voir, ou ne peux pas voir, ça revient
- en métaphore: par une peur de tomber, ou encore une crainte de pénétration …
- métaphore de l’animal: le chien en gueule dentée qui va me castrer,
- soit l’animal en tant que représentation de la castration comme telle: le mille pattes qui s’enfuie, le serpent en zizi comme tel
L’angoisse de castration remonte du bas ventre et se loge dans les intestins. Chez moi enfant la peur de me faire castrer s’est lié à l’idée que je n’aurais pas bien fait, à entendre à la fois que j’aurai mal fait et fait mal à ma mère en ayant l’idée de désirer sexuellement mon père, alors que c’est interdit.
Quand j’ai fait pipi dans ma couche ou au lit… ma mère s’empressait de me changer. J’ai interprété ces empressement comme une réparation d’une grosse connerie: faire pipi et caca. L’interdit social porté par mes parents de pas faire pipi et caca partout est venu se coller à l’interdit d’avoir l’idée de désir sexuel pour eux et à l’interdit de passage à l’acte d’inceste avec eux. Alors les interdits, plus quelques engueulades en surcouche pour les faire appliquer ça vient aussi nourrir la peur de se faire castrer. Quand on se fait engueuler sur ces trucs qui sortent du corps, comme le caca qui sort tout les jour du corps comme si c’était un bout de moi qui se coupe de moi tous les jours…
Alors la peur, l’angoisse de castration remonte sur les intestins, ça se déplace: l’angoisse se reporte dans un phénomène corporel;
- douleur ou blocage d’une fonction par exemple, chez moi la constipation.
- ça peut remonter au plexus solaire,
- l’estomac
- mal de dos: j’en ai plein de dos.
- ça peut remonter au cœur: palpitation, respiration rapide
- ça peut remonter au niveau de la bouche: boulimie / anorexie
- ça peut remonter jusqu’à l’œil: des points douloureux, c’est l’œil qui voit la différence, la différence saute aux yeux.
La sensation désagréable remonte pour déplacer l’affect d’angoisse d’un endroit où ça a pris naissance pour cacher d’autant plus d’où ça vient…
Je rapproche la sensation d’angoisse que je vous décris ci dessus de celle que je peux ressentir parfois et que je nomme nostalgie. En association me vient la chose suivante: depuis la mort de mon père, lorsque je me promène dans un sous bois éclairé en intermittence par le soleil, je pense à lui. A préciser que j’ai chassé dans le bois avec lui toute mon enfance, d’où le souvenir des sous bois, de leur odeur et de leur lumière. Allez tirer des coups “de fusil” dans les bois avec son père ça s’invente pas, je vous l’accorde. Lorsque je pense à lui, la sensation de nostalgie me gagne. Bien qu’elle parte du plexus solaire, elle ressemble étrangement à ce que je nomme angoisse. Chez moi cette sensation se dirige vers mon périnée. A vous écrire je me dis qu’il est probable qu’elles deux montent aussi parfois jusqu’à ma bouche.
Et le lien avec ma pratique d’écoute de l’autre
Faire une psychanalyse, ça ne débarrasse pas l’angoisse de castration. Par contre de faire une psychanalyse ça permet de travailler l’angoisse de castration et en effet secondaire il arrive des apaisements des douleurs physiques et dans les sensations d’angoisses.
Travailler l’angoisse de castration veut dire parler de soi, de ce que
l’on ressens. C’est en parlant à un autre, en lui donnant des détails de
ma vie parce que je suis la seule à l’avoir vécu que parfois, en
m’écoutant parler je comprends un nouvel élément sur moi.
C’est parce que j’ai une attention pour l’autre qui m’écoute que je
précise, parce que je désire qu’il me comprenne que j’associe de plus en
plus librement et ainsi découvre des choses sur moi. Dit autrement
c’est parce que j’éprouve des sentiments pour cet autre que je précise
mon discours: ici j’emploie le mot transfert.
L’universel c’est l’angoisse de castration et chaque sujet est singulier la mettant un peu partout dans son corps.
C’est bien parce que le Sujet est singulier qu’il m’est nécessaire de l’écouter dans son histoire, je n’interprète pas à sa place parce je me dois de respecter son parcours. Si on dit l’interprétation à sa place, c’est encore une manière de le castrer. Chez moi quand quelqu’un dit quelque chose à ma place, je le vis comme un viol. J’ai trouvé dans mes rêves que l’angoisse de castration prend la forme de l’effraction: de quelqu’un qui pénètre dans mon esprit sans mon accord.
En tant que psychanalyste je ne peux qu’aider à ce que les mots surgissent de la bouche de la personne concernée. C'est en m'intéressant au Sujet qui parle, en posant des demandes de clarifications que celui que j'écoute, parce qu'il me raconte, parfois s'entend dire quelque chose de nouveau à son propre sujet. Les clarifications j'en ai besoin parce que je n'ai pas vécue l'histoire de celui que j'écoute, parce que je ne suis pas dans son corps et je ne sais pas ce qu'il ressent. J'ai besoin qu'il me raconte son histoire pour comprendre.
Christine Dornier | Psychanalyste | Besançon