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L'affect c'est le symbolique en tant que tel

C'est parce que j'éprouve un sentiment que je me souviens.

Laboratoire du quotidien

Ecouter un Sujet c'est aussi le regarder

Lorsque je l'ai vu faire, j'ai eu l'image d'un clavier qui mange des lettres avant de les rejeter dehors, comme un caca de lettre.


Eléments de contexte de la vidéo ci-dessus le livre est un livre de Catherine Dolto qui parle de la colère. Zoé a joué très souvent avec ce livre, elle en a même arraché une page que nous avons soigneusement recollée avec du scotch. Déjà à l’époque de la vidéo, elle avait 18 mois, j’ai été épaté de la voir ranger des lettres sous le clavier. En regardant aujourd’hui je mesure le temps et l’attention qu’elle y a porté (la vidéo dure deux minutes et j’en ai plusieurs pour un total de près de 15min) Elle seule pourrait dire ce qu’elle faisait à cette instant pour elle.

Lorsque je regarde la vidéo me vienne les associations suivante. Elle pose des lettres derrière ce qui produit des lettres sur l’écran: le clavier.

Dit autrement elle joue avec des signes qui permettent de construire à terme des mots:

  • les signes du clavier qu’elle a vu produire des signes sur l’écran en regardant son père travailler
  • les signes des lettres aimantés du frigo.

C’est comme si elle rentrait les lettres aimantées dans le clavier pas le trou en dessous. Ici j’y vois le clavier comme métaphore du corps avec le trou en dessous métaphore des trous du corps. Ces trous du corps humains permettent de manger, parler, faire caca, pipi… Ici le mouvement va du dehors au dedans. Les lettres aimantées disparaissent sous le clavier une part une, puis elle soulève le clavier et hop “coucou les voilà” un jeu en fort-da qui imbrique les lettres comme signes: de la lettre alimentée, en passant par le clavier pour arriver à la lettre sur l’écran, qui n’est même pas présente ici.
Ici pas d’écran mais un livre qui permet d’entendre une histoire, et pas n’importe quelle histoire : une histoire d’affect, une histoire de colère. Aujourd’hui je retiens de mes recherches, que l’affect c’est ce qui fait se détacher un objet (qui peut être un Sujet) de son environnement. Pour ceux que ça intéresse je vous invite à cliquez ici pour lire un rêve qui traite justement de cette question.

Détacher un objet de son environnement, c’est s’en faire une représentation, c’est en tirer une image dans la tête. Pour détacher l’objet de son environnement une fonction de découpe est mise en jeu, la fonction symbolique qui coupe dans la masse des perceptions pour en dégager une représentation d’un objet (qui peut être un Sujet). La représentation de l’objet n’est pas l’objet en lui même, d’où l’utilisation du mot “symbolique” : je me garde un symbole/ une image de l’objet que je me représente pas l’objet en tant que tel.

A lire ici et ailleurs, j’aperçois beaucoup d’échanges portant sur une mise en accord entre les différents Sujets autour de ce que signifie un mot ou un autre.
Me concernant lorsque moi aussi je suis emporté dans ce mouvement il s’agit d’une sortie en vie de veille de ma crainte de pas être entendu pour ce que je dis et ce que je suis. Lorsque quelqu’un mets en doute ce que je dis c’est l’entièreté de mon être qui se sent menacée, comme si je n’avais pas de valeur. Et ça c’est insupportable. Alors je peux me battre comme une lionne pour défendre mon bout de steak, quitte à en oublier le principal. Lorsque je fais ça, je fais à un autre ce qui me fait sortir de mes gonds: je le prends pour un objet. Ici mon propos est de tenter un retour à la description de ce qui se passe dans ces mouvements qui permet au Sujet de se construire la réalité faite de ses représentation (la réalité a toujours la teinte subjective du Sujet) Alors je progresse dans une démarche de retour à la moelle de l’essentiel, j’enlève la fioriture pour en apercevoir le cœur.

J’en reviens au mot symbolique qui me permet de décrire l’action de découpe qui détache un objet de son environnement. Comme je le disais plus haut le Sujet se récupère une représentation de l’objet qu’il se représente, pas l’objet en tant que tel. En ceci la représentation présente un manque, un trou en son cœur. Elle n’est QUE l’image et pas l’objet. Cette image les hommes l’utilise parfois pour donner une représentation d’un concept, d’une idée qui ont difficilement un contour palpable. Par exemple, si je vous parle de la France, certains la situeront à l’Elysée, d’autres au parlement, d’autres dans la rue, d’autres dans ses limites géographiques…
Si je vous dit “drapeau français” un bout de tissu bleu/blanc/rouge vous vient sûrement à l’esprit, puis probablement la France. Si ces couleurs évoquent la France, c’est l’histoire des hommes qui par convention, a fini par les définir comme les couleurs de la France. En vrai c’est un bout de tissu de couleur, qui est devenu un symbole faisant penser à la France. Chaque individu met alors plus où moins d’affect dans ce symbole. Ce mécanisme, je fais l’hypothèse qu’il contribue à comment les êtres humains passent autant de temps à se mettre d’accord sur la signification d’un mot, d’un symbole. Ce faisant, ils oublient de décrire l’essentiel, c’est à dire ce que le mot ou le symbole vient permettre de représenter : l’objet (qui peut être un Sujet) en tant que tel.

L’enfant fabrique des représentations lui permettant de produire sa réalité Subjective. Il entend les adultes parler, ils les voient écrire, lire… Il ressens des choses pour ces adultes et inversement. Puis il assemble le puzzle : affect, représentation/ image, mot permettant de décrire l’image, écriture de ce mot en symbole lettre… Que ce soit les perceptions ou les représentations, tout ça entre et sort de celui ou celle qui produit la représentation : le Sujets lui même. Le clavier en est la métaphore comme objet (qui peut être un Sujet) qui produit une image/ une représentation/ un symbole… Alors parfois quand la vie amène des ratés, des surprises, la confusion vient prendre l’espace d’entrée et de sortie du corps, entre perceptions, représentation et la chose représenté: ça peut créer des confusions entre la perception du dehors, le caca, le vomi, le pipi et la représentation de ce qui entoure le Sujet. J’ai accompagné un homme qui tartinait ses excréments sur les murs de sa chambre, il en faisait le tour soigneusement. Un autre utilisait des sacs poubelles pour faire un tour parfait des limites de son appartement. Je fais l’hypothèse que la représentation n’arrivant pas à se former, ils délimitaient, dans leur réalité de vie de veille, les contours de leur habitat, comme un enfant dessinerait sur un papier.

Mais pourquoi la représentation a des ratés parfois ? Et bien parce que pour faire de la représentation, l’affect/ la fonction symbolique vient couper dans la masse des perceptions/ dans l’environnement pour en détacher la représentation. Pour avoir une représentation il est nécessaire d’en avoir les limites/ les contours et donc de mettre un espace, un trou entre l’objet (qui peut être un Sujet ) à représenter et son environnement. Je fais l’hypothèse que ce trou renvoie le Sujet a l’idée de castration. Cette idée sous tend l’apparition d’un trou en cas de perte de zizi. Et cette idée est pas bien agréable, alors elle peut être refoulée, cachée, dans l’inconscient. Cette idée vient quasi immédiatement s'associer à l'idée de désir sexuel pour son parent qui est vu comme la cause de la coupe du zizi: parce que j'ai eu une idée sale la castration est venue comme une sanction.  Cette idée est alors rendue inaccessible au Sujet mais elle peut néanmoins sortir en vie de veille et provoquer des choses plus où moins handicapante:

  • poches percées
  • peur panique d’effraction
  • incapacité de se faire une représentation de sa réalité, avec un transfert de la mise en représentation qui siège au niveau de la psyché dans la réalité de vie de veille avec des symptômes associés, comme l’Homme qui peignait sa chambre de caca ou encore celui qui le recouvre de sac poubelle, impossibilité de franchir une porte, ouvertures et fermetures itératives de portes ou de fenêtres…
  • sensation de ne plus pouvoir bouger, d’être cloué sur son canapé
  • … Et autant d’autres expressions que de Sujets vivant sur Terre

C’est là que la psychanalyse a je pense tout son sens. C’est en écoutant/ portant de l’attention au Sujet (qu’il parle ou pas) que le Sujet peut produire de la représentation et ainsi petit à petit se récupérer en tant que Sujet qui produit la représentation pour au final produire une représentation de lui même, s'accoucher de lui même. Pendant ce processus le Sujet vient également identifier la différentier sa réalité intérieur de sa réalité extérieur
Dans cette vidéo le clavier est pour moi la métaphore de ce qui produit la représentation et portant: c’est Zoé qui anime toute la scène, c’est donc elle qui produit de la représentation, c’est elle le Sujet et non le clavier.

Merci de m’avoir lu. Et n’oubliez pas il s’agit ici de ma représentation/ de mes associations en lien avec ce que j’ai observé de cette scène de ma vie quotidienne. Je parle donc de moi dans ces lignes, de comment ça me renvoie des hypothèses de compréhension des mécanismes de la psyché que j’élabore jour après jour. Seule Zoé pourrait dire pour elle, ce qu’elle fait largement au quotidien, mais ça c’est elle qui décidera de vous en faire le partage ou pas.

Christine Jeudy | Psychanalyste | Besançon

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