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Un jour comme les autres

Début octobre, j’ai appris par ma chirurgienne la présence de cellule précancéreuse retrouvé dans la pièce analysée suite à ma seconde opération du sein. Deux choix se sont alors offert à moi. Heu, choix? oui allez! je vais employer le mot de choix. Par contre je ne vais pas employer celui de offert, je vais plutôt employer le terme de “ouvert”.

Je vous propose un petit tour au pays du patient qui patiente. La réunion de coordination thérapeutique qui a donné ses préconisations en dehors de ma présence s’est tenue hier soir. Oui il parait que ça se fait pas de convier le patient pour échanger sur des questions liées à son corps. Bref ici loin de moi l’idée de donner une recette pour tout les patients, juste de rappeler que permettre le choix au patient d’être présent ou pas, soutiendrait peut être son passage du statut de patient qui patiente à acteur. Je suis confiante j’ai lu à l’hôpital que rendre acteur le patient est dans l’air du temps avec le patient debout qui se rend en marchant au bloc opératoire.
Au delà d’acteur d’un texte écrit par des autres, un jour prochain, la question du statut de la personne soignée sera peut être porté jusqu’à lui permettre de devenir auteur. Bien sur que la médecin gardera sa technicité, son savoir. Lorsque je parle de devenir auteur pour la personne soignée, c’est qu’elle puisse elle même prendre des décisions pour sa vie en étant éclairée par les gens ayant les compétences techniques liées à l’anatomie, au corps. J’ai donc bravement arpenté une troisième fois les couloirs du CHRU pour me rendre au bloc.

Ce midi je pars en visite au CHRU. Outre cette destination somme toute exotique, ce jour à ceci de particulier que le médecin que je vais voir va m’annoncer les résultats anapath de ma troisième opération. De ces résultats va dépendre soit le début de la radiothérapie, soit une quatrième opération pour couper l’entièreté de mon sein. Lors de mon rendez vous de début octobre j’ai fait le choix, avec les éclairages techniques de ma chirurgienne, de tenter une dernière opération, la fameuse troisième, qui préserverait mon sein. Si quatrième doit avoir lieu, il s’agira d’une mastectomie de mon sein droit.

Ce jour d’octobre, lorsqu’elle m’a parlé, j’ai senti comme une couronne de chaleur au dessus de ma tête, puis les larmes ont coulées. Elle est chouette ma chirurgienne parce qu’elle m’écoute, alors je lui ai raconté que cette chaleur pour moi c’était une manifestation corporelle de mon angoisse.

Aujourd’hui c’est de ces manifestations corporelle dont j’ai envie de vous parler.

Je sens la tension monter en moi depuis ce weekend. Lorsque mon œil tombe sur le rendez vous noté à mon agenda ou bien encore de manière impromptu dans mon quotidien. ça me tombe dessus en prenant la forme d’une ballade corporelle:

  • une sensation d’une aiguille très fine qui me transperce le cœur et irrigue une vague de chaleur jusque dans mes poumons.
  • une creux dans mon ventre, comme un vortex qui me ferait disparaitre de l’intérieur
  • la sensation d’un poignard qui vient m’éventrer du bas du ventre en remontant vers le cœur
  • des frissons dans tout le tronc

Ces sensations me font penser à des jours particuliers de ma vie, des tournants: les résultats de mon bac, l’annonce du décès de mon oncle, la rencontre avec les Hommes qui ont et/ou partage encore ma vie.
Je suis épatée du voisinage dans mes ressentis corporels: entre le versant heureux et le versant malheureux de ces moments.
Une chose leur est commune: la question de la représentation qui est absente ou présente.

  • Aujourd’hui je n’ai pas encore vu la couleur des résultats d’analyse.
  • Lorsque j’ai eu mon premier rendez vous avec Nicolas, je ne savais pas ce qu’il allait advenir.

Dans les deux cas un désir, l’absence de représentation et l’idée de risque de perdre: la vie, ou le mec que je vise. Pas besoin d’être grand clerc pour y voir une expression de l’idée de castration.
L’angoisse est pour moi une modalité d’expression de cette idée de castration. L’angoisse nait chez moi d’autant plus forte lorsque la représentation de l’idée de castration est rendue inaccessible par ma censure. Mon analyse que je vous livre dans cet écrit, est venue mettre des mots, des représentations alors à l’instant de mettre le point finale à ce texte, je sens la balade corporelle de mon angoisse se terminer. Bien sur, lorsque je vais arriver devant le médecin aujourd’hui, il est fort probable que les signes physiques reprennent, mais je suis confiante, ils seront plus ténus: parce que j’ai ramené au conscient que l’idée de castration n’est pas la réalité de ce que je vais vivre aujourd’hui dans l’annonce des résultats d’analyse.

Mise à jour suite au rendez vous. 

Elle est arrivée pour me conduire dans son bureau. "Comment allez vous aujourd'hui?"
Moi "heu comment dire comme ci, comme ça, le fait de pas savoir les résultats quoi."
Elle "Alors je vous le dit tout de suite, aucune cellule cancéreuse ni précancéreuse n'a été retrouvée dans le dernier prélèvement"
Moi en pleure "ah ben tient! voilà une bonne nouvelle. Pour une fois ça fait vachement du bien"

Christine Jeudy | Psychanalyste 


Pas de deux entre cancer et castration
un rêve pour représenter l'irreprésentable