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Lorsque la fille moi même parait.

Après trois petits minous, je nais à ma vie

Le Rêve

[reste de rêve brute] Je suis dans une rue qui me rappelle le village de mon enfance, et puis en fait non c’est ma rue d’aujourd’hui. Je déplante soigneusement un saule tortueux d’un bord de route pour l’installer dans le jardin du Ravelin. J’ai au préalable informé les gens de la maison d’en bas. La maison me rappelle mon village d’enfance et à la fois la rue Marulaz près de mon chez moi actuel. D’un bond les gens de la maison sortent un gourdin à la main: “au voleur” ils viennent comme pour me chasser. Je suis sûr de moi et je campe sur mes positions. J’ai le sentiment de rassurer les enfants autour de moi. A l’arrivée de la horde bondissante, je leur explique avoir déjà informé les propriétaire du bas et leur montre l’endroit où je vais planter le saule. La tension tombe d’un seul tenant. De plus le saule était destiné à être coupé par la débrousailleuse, donc bon. L’homme qui m’a prise pour une voleuse était de passage dans la maison et il ne savait pas l’entente préalable qui avait eu lieu. réveil

Pour lire ma première publication Facebook sur ce rêve: cliquez ici

L’analyse

Le doute ou tout simplement cohabitation de deux idées qui semblent contraire?

Le doute s’introduit dans le rêve, la rue de mon enfance ? Et bien en fait non dans le rêve: il s’agit de ma rue actuelle. Mise en scène d’un doute au sein de mon rêve. Le doute mit en représentation en tant que tel, voilà une nouveauté: bigre.
L’entre deux, le doute, ma rue d’enfance, ma rue d’aujourd’hui ça me fait dire que c’est de moi dont il s’agit ici, un moi de l’enfance qui se superpose à mon moi d’aujourd’hui. Le rêve se fou bien du temps qui passe, il réagence pour servir ce qu’il a à dire.

La rue, le village est une représentation de mon corps. Le saule au bord de la route pousse dans une butte de permaculture recouverte de broyat. Cette butte située au bord a la forme d’un sein. Le broyat est la peau qui protège ce qu’il y a en dessous. Dans ma réalité de vie de veille je suis passionnée de vivant, de sol, d’eau, d’arbres. J’ai appris que notre sol est vivant. Pour se protéger de la chaleur et lui permettre de vivre, il a besoin d’une peau, d’être couvert à toute saison. Le broyat est donc pour moi une métaphore de ma peau.

Le saule est donc planté dans mon sein. Pas besoin d’être grand clair pour y trouver une représentation d’un phallus. Sauf qu’il n’est pas au bon endoit, un zizi c’est pas sur un sein, c’est plus en contre bas, dans mon entre cuisse: là où je veux le replanter au jardin du Ravelin. Dans la réalité de vie de veille le jardin dont je vous parle est situé en contre bas des remparts de Besançon.

Le saule tortueux comme métaphore de mon cancer

Deux saules tortueux m’attendent chez la mère de l’homme qui partage ma couche. Je compte les planter sur le jardin du Ravelin en fin de semaine.

La première chose qui me vient est la suivante : depuis début mars, les médecins ont tâtés, décelés, pris en radiographie, en scanner, IRM une tumeur de 18mm et une plus petite dans mon sein droit. Deux tumeurs, deux saules: mon rêve n’a fait qu’un pas pour en faire une métaphore de mon cancer. Sauf que l’idée d’avoir un cancer est vue comme assez désagréable, d’où la tentative de mon inconscient de grimer la chose en passant de 2 à 1.
Comme solution curative la coupe de ces amas de cellules qui poussent de manière anarchique est envisagée (à l’heure d’aujourd’hui plus qu’envisagée, je serai opérée le 18 avril), tout comme le saule de mon rêve.

Le phénomène de cancer n’est pas sans me rappeler l’idée de me faire pousser un zizi que je pense avoir perdue, ici au risque d’en mourir. Une question reste en suspend: qui décide de couper dans la chair? vais je subir tout comme dans l’idée que je me fais de la perte de mon phallus? Comme si quelqu’un me l’avait pris, coupé, voir qu’il se soit envolé par lui même.

Une représentation de moi à la barre

Dans ce rêve une représentation de moi:

  • a prévenue les habitants du bas qui sont une représentation de la fille moi même Christine.
  • est en train de déplanter le saule
  • tient tête à la horde qui me traite de voleuse
  • rassure les enfants.

L’ensemble de ces représentations de moi même est une représentation d’un moi qui s’assume. Lorsque je me représente en train de tenir tête à la horde il s’agit d’une représentation de moi légitime à œuvrer dans mon propre désir, et dans mon propre corps face à la horde.

Entre ma mammographie et ma biopsie, ce qui m’est venu comme un déchirement est la chose suivante: “même si c’est un cancer, même si je guérie, si je lâche pas mon poids d’avec ma mère je vais mourir”

La horde est une mise en scène de ma mère dans une tentative de me dicter sa loi, dans mon inconscient et dans mon corps.
Bien sur que petite la chose a été utile et nécessaire. Parce qu’elle m’a désirée je me suis mise en mouvement, par ses mots, par ses gestes. Etre la créature de ma créatrice et tout comme une extension d’elle, aura été une période douce . Avec l’âge j’ai désiré ailleurs, en dehors d’elle, ailleurs. C’est en désirant ailleurs que j’ai petit à petit coupé les fils de la marionnette que j’étais, pour me séparée de la marionnettiste.
Bien sur qu’en vie de veille je sais être bien différente d’un Pinocchio, les associations qui me viennent ici parlent de ce que m’ont inconscient a fabriqué pour se faire une représentation de mon origine.

Une représentation de moi qui a peur, qui subit

Les enfants sont une représentation de moi que j’ai déjà trouvé dans mon inconscient: un moi enfant soumis à la parole de cet autre qui sait pour moi. Oser vivre ma vie est vu par mon inconscient comme une bravade face à la horde. Ici je parle de moi, de comment je me suis fait une représentation de ma mère en tant que horde furieuse qui me tombe sur le coin du nez au moindre faux pas selon ses critères. Quand bien même certains de ses comportements dans la réalité de vie de veille sont venus rajouter des couches à mon traumatismes initiale d’avoir pensée qu’elle m’avait coupé la verge, il n’en reste pas moins que cet écrit vous parle de moi et non de ce qu’elle est dans la réalité.
J’ajoute en prime que le mot n’est jamais la chose qu’elle décrit en ce sens que la réalité/ ma réalité je la construits à partir de mes représentations subjectives, en ça, reste toujours un trou, un affect, un vide entre ma réalité et une réalité qui se voudrait objective.
Tout ce que je repère en analyse reste. L’enfant apeurée je l’avais déjà repérée sous des expressions différentes. La psychanalyse a ceci d’impressionnant qu’elle permet de repérer l’origine de moi et ainsi au fur et à mesure de mieux me connaitre.
Plus je regarde dans mon inconscient plus je découvre des facettes de mon village intérieur et tout reste, rien ne s’efface. Ici pour la première fois j’accède à une représentation d’un moi qui rassure la représentation de l’enfant apeurée: c’est une première.

“L’homme qui m’a prise pour une voleuse était de passage”

Le surlendemain de ce rêve j’allais rencontrer pour la première fois la gynécologue du CHU. Cette visite m’a remuée en amont.
Lorsque je l’ai vu je lui ai parlé de ma psychanalyse, de mon chemin en tant que Sujet. Je lui ai dit “si je fais avec vous comme avec ma mère, c’est à dire que si je vous confie ma vie je vais mourir. J’ai besoin d’être au centre de ce qui m’arrive dans mon corps, est-ce que vous voulez bien faire partie de l’équipe que je suis en train de me constituer pour vivre?”
L’homme qui m’a prise pour une voleuse, celui qui a pensé savoir pour moi, savoir qui je suis, est une métaphore de ce que j’ai pu mettre en terme de croyance sur le dos de ma mère, des médecins, des livres de psychanalyse, bref sur le dos de tous ceux à qui j’ai attribué un savoir sur moi. Ce mécanisme à un sens et me sert encore parfois, lorsque je doute de qui je suis, je cherche à me raccrocher à une branche, à un sachant qui pourrait continuer à faire le marionnettiste et moi de rester la créature (voir mon rêve sur les guerres de chapelles). Mais ce n’est qu’une idée: pour de vrai aucun fil, juste à vivre ma vie qui se clôturera un jour par ma mort. Ma vie est éminemment faite de solitude, je suis la seule à ressentir ce que je ressens, vivre le moment présent comme je le vis. C'est une fois l'idée remise à sa place d'idée que l'angoisse tombe, me permettant ainsi de vivre, et de vivre avec ceux que j'aime.

Toute experte de moi même que je suis, je me suis adjoint tout un staff d’expertises complémentaires, avec des gens en capacité de m’entendre en tant que Sujet: Anne pour le shiatsu, Nicolas pour l’ostéopathie, Yolande pour la chirurgie, Martine pour les radios, les radiologistes, Julien l’infirmer, bientôt l’oncologue et Sonia pour ma coiffure selon le protocole de soin qui se dessinera.

Un dernier point d’angoisse comme une coupure vers un second souffle d’écriture de ma vie.

Au delà d’un diagnostic qui serait le déclencheur, il s’agit pour moi d’un moment de ma vie où 9 mois après avoir signifié un premier stop à ma mère j’ai engagé un chemin me conduisant à vivre ma vie. Ma soif de nourriture a laissé la place à une alimentation plus variée et moindre en quantité. A vous écrire je sens les larmes monter. En septembre j’ai retrouvé les clés de mon corps et du plaisir d’en être la conductrice. J’ai retrouvé petit à petit pendant ces neufs mois le bonheur de la marche, d’un corps qui s’allège de kilogrammes venant m’empêcher jusqu’à faire mes lacets. D’un corps de femme enceinte sans enfant j’ai petit à petit retrouvé un corps me permettant de dormir sans souffrance.
Restait néanmoins encore de vagues sensations d’angoisse au ventre lorsque mon téléphone sonnait, et si c’est elle qui appelle qu’est ce que je vais dire?
Le point d’angoisse a atteint son paroxysme avant l’annonce d’un diagnostique, il a surgit comme une évidence entre ma mammographie et la biopsie. Cette angoisse était très similaire à ce que j’ai ressenti lorsque j’ai posé mon stop à ma mère: comme un coup de poignard qui me prend du bas du ventre et remonte au plexus. Ce fut la dernière de ce type, la dernière à me clouer sur place tellement la douleur était intense.

J’ai parlé, analysé, rêvé et ramené à mon conscient:

  • Je peux vivre sans ma mère, point besoin de mourir pour me récupérer en tant que Sujet à part entière
  • Je vis sans ma mère.

Depuis je vis, je rêve à nouveau chaque nuit et j’oeuvre à différents de mes projets:

  • paysages régénératifs
  • rendez vous avec mon staff afin de bouter mon cancer en dehors de mon corps
  • travaux en lien avec la psychanalyse
  • le tiers-lieu “le 97”
  • la marche nordique
  • mes enfants
  • mes amis
  • et pleins d’autres que je garde pour moi.

Les trois petits minous datent du  jour de ma mammographie, oui l'écriture du point s'amorçait déjà avant même la radiographie qui trouva mes deux tumeurs.

Christine Dornier | Psychanalyste | Besançon

Trois petits minous
qu'on perdu leurs mitaines!