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Fabriquer des Communs et des Tiers-lieux, et moi, j’en pense quoi ?

une mécanique de précision entre individuel et collectif

Me voici ce soir à prendre la plume. Je me sens heureuse parce que je retrouve un peu de temps qui m’avait été grignoté par mes traitements, et me voici officiellement en rémission du cancer du sein. Que la vie est belle ! Et le temps qui passe est doux et précieux.

J’ai donc pu prendre le temps de relire les travaux de différents réseaux de tiers-lieux et groupes de travail.

Je vous livre ici les associations qui me sont venues suite à ces lectures.

La stigmergie, une histoire d’êtres humains

Le temps que j’ai passé cette année 2023, un peu plus restreint que d’ordinaire, m’a poussée à requalifier mes engagements :

Encore plus que jamais, je me suis retrouvée sur le terrain :

  • Avec les gens qui passent la porte du 97.
  • Dans la rue, avec les gens qui y travaillent, y dorment, y passent, y résident…

La notion de tiers-lieu est pour moi une composition sociale de type stigmergique. Je navigue chaque jour dans un banc de poissons qui s’organisent en fonction des mouvements des autres poissons du même banc. J’interagis avec les poissons que j’ai en visu et souvent au nombre de 5 à l’instant T. Alors oui, la distance visuelle ça compte pour moi autant que le temps.

Mon champ de vision se situe dans mon espace quotidien, loin des écrans. Si écran il y a, mon champ visuel, ce sont les outils numériques qui me permettent justement de laisser des traces en asynchrone aux autres poissons de mon banc du tiers-lieu, de ma rue, de mon quartier.
Je profite ici pour remercier Amélie et Joséphine de l’association de préfiguration du réseau des Tiers-lieu BFC qui, dans leur délicatesse, sont venues sur ces outils et m’ont ainsi permis de faire tiers-lieu avec elles et ainsi avec l’ensemble des poissons fréquentant le réseau. Oui, parce que la stigmergie, c’est ça aussi, c’est un fonctionnement qui ne me rend pas obligée de voir tous tout le temps tout le monde. La stigmergie, ça passe ici par deux poissons de mon banc, Amélie et Joséphine, qui, quand elles laissent des traces, des informations, elles me font bouger de ma trajectoire. Elles sont dans mon réseau d’influence stigmergique. À ce titre, de mon point de vue, elles me donnent des signaux qui me font me mouvoir en fonction et inversement, je donne des informations qui les fond bouger elles deux, puis les autres poissons du réseau.
Merci également à Anne-Gaëlle Saint-Olive, poisson que je n’ai pas encore rencontré physiquement et qui m’a envoyé un précieux mail qui m’a conduite à écrire cet article. C’est parce que j’ai reçu cette trace mail qu’en retour, je vous écris, que je vous laisse une trace en somme. Vous voila toutes et tous qui me lisez devenu membre d’un mouvement stigmergique.

Les lignes qui suivent donnent un aperçu de la manière dont je me représente le faire tiers-lieu et donc, ça parle aussi de ma manière de me représenter le compagnonnage, parce que de fait, le faire tiers-lieu, c’est du compagnonnage en tant que tel.

Les objectifs de faire tiers-lieu :

  • C’est favoriser le terrain qui permettra à un ensemble d’individus de s’organiser dans un système dynamique qui ne les sclérose pas, que chaque individu puisse rester en mouvement tout en faisant ensemble.
  • C’est donc laisser émerger un mouvement au sein d’un ensemble d’individus afin d’atteindre un état critique hors équilibre, cet état de transition d’une organisation d’individus entre état stable ordonné et état stable désordonné.
  • C’est accompagner un dialogue permanent entre l’individuel et le collectif afin de prendre soin de la distance entre chaque individu composant le groupe. Dans le monde des êtres humains et non plus celui des poissons (qui ne sont qu’une métaphore, hein, je ne suis pas un poisson en vrai), cette distance, je l’appelle l’affect, les sentiments.

Les enjeux de développer le faire tiers-lieu

Chantier 1 - soutenir les collectifs à s’auto-engendrer

  • Construire des compétences à entendre le besoin des gens que j’écoute et non pas écouter ce que j’imagine de leur besoin.
  • Soutenir les gens que j’écoute à formuler leurs besoins et envies sans y plaquer les miens.
  • Identifier ce qui relève du champ du besoin terrain de la solution imaginée.
  • Rendre disponible l’histoire de mon tiers-lieu, non pas comme une recette à reproduire, mais bien à emprunter pour que chaque personne qui le souhaite puisse la mettre au goût de son propre collectif.

Chantier 2 - donner à voir la singularité de ce système dynamique en état critique hors équilibre

  • Accueillir ceux qui le souhaitent dans des temps de vie en tiers-lieu.
  • Proposer à chaque individu de réfléchir à une contribution financière en conscience afin de maintenir l’usage du tiers-lieu dont ils ont l’usage également aux autres usagers.
  • Oser une stigmergie en dehors des murs d’un tiers-lieu physique, même sur une seule thématique.

Chantier 3 - permettre une action fédérative de chaque tiers-lieu

  • Soutenir les invitations inter tiers-lieu physique.
  • Soutenir la fédération des outils numériques : création d’un commun à partir des créations de chaque individu, chaque tiers-lieu, chaque groupe de personnes ayant produit un commun. À noter que ce processus se doit d’intégrer l’ensemble des mouvements de création de commun déjà existants : centralisé et décentralisé. Le fonctionnement en stigmergie permet justement.
  • Permettre la mise en jardinerie, la fédération des outils sur le plan numérique. Point d’attention : favoriser une fédération ça veut dire se faire causer les logiciels de chacun, hein, ça veut pas dire choisir tous le même.

Chantier 4 - mettre en place des groupes d’analyses de la pratique et la fonction conciergerie

  • Permettre à chaque individu de parler de soi dans ce que les interactions au sein du groupe/ collectif provoquent chez lui.
  • Permettre à chaque individu d’entendre les individus qui composent son collectif et de s’interroger sur comment il peut ou non modifier sa trajectoire au sein du banc.
  • Résister à la tendance naturelle des groupes à la protocolisation des interactions entre individus composant le collectif.
  • Développer la prise en responsabilité de la fonction conciergerie par le plus grand nombre d’individus possibles.

La définition de faire tiers-lieu

C’est la capacité d’un groupe d’individus à atteindre un état dynamique critique hors équilibre. Ce système critique hors équilibre a une signature particulière : la corrélation entre les mouvements n’a pas d’échelle caractéristique de grandeur. Autrement dit, ça veut dire que l’information se propage très vite et très loin sans limite de distance. La propagation s’étend très loin, quelle que soit la taille du groupe. 

Ainsi chaque individu est libre de ses mouvements, de sa création, tout en prenant en compte son réseau d'influence dans un espace vécu à portée de vélo (oui quitte à faire autant rester dans de la construction à basse émission de carbone).

Alors une fois n'est pas coutume j'explore un collectif en partant du point de vu subjectif d'un individu:

  • qui prend en compte les traces laisser par d'autres individus de sont réseau d'influence: coopérative, quartier, ville...
  • qui laisse des traces pour que les autres individus de sont réseau que lui même influence puissent prendre en compte.

Les Tiers-lieux, une histoire de deux états superposés

Bien que d’une structure, d’une colonne vertébrale identique, chaque tiers-lieu prend une forme d’expression éminemment unique.

La forme d’expression éminemment unique dont je parle est liée à la composition du collectif qui fait tiers-lieu : ce sont des gens qui par essence sont aussi uniques. Pour reprendre ma métaphore du banc de poissons, chaque banc est unique parce que composé d’individus distincts.

Alors pour moi, aucun référentiel, aucune homogénéisation n’est possible, sauf à tuer le tiers-lieu en tant que tel. Oui, parce que dans la mesure où le tiers-lieu ce sont les gens qui le composent, se mettre tous d’accord sur :

  • une vision,
  • un outil de gestion,
  • une manière de faire des communs,
  • une manière de faire compagnonnage,
  • une manière de…,

pour moi, c’est comme me couper l’herbe sous le pied, c’est comme faire une politique du tout tuyau pour la gestion de l’eau : ça tue mon sol (pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur la question de l’eau et des sols, vous pouvez cliquer ici, une conférence que j’ai aimée de Samuel Bonvoisin).

C’est pourquoi, lorsque j’écris sur les tiers-lieu, je parle de ma propre représentation, de mon propre vécu. Je ne peux pas édicter une définition qui se voudrait universelle, parce qu’ici, moi aussi, je viendrais tuer la pluralité des tiers-lieu, qui sont des organismes vivants. Chercher à mettre une définition universelle, un référentiel, c’est objectiver son objet d’étude. En mathématiques, en physique, c’est primordial dans la démarche de recherche. Si l’on applique la chose à la recherche et à la transmission en tiers-lieux, cela vient objectiver un collectif vivant composé d’individus subjectifs. Or, objectiver un individu subjectif, c’est :

  • le rendre objet,
  • le défaire de sa qualité de sujet.

Donc pour moi, c’est enlever l’individu subjectif du tiers-lieu, donc c’est enlever l’essence même du tiers-lieu.

Je vous écris ce soir pour vous laisser une trace de :

  • ma décision de me concentrer sur mes travaux en lien avec les tiers-lieux. Je vais d’ailleurs amorcer des temps de partage sur la question avec des Québécois, je laisserai des traces sur le sujet.
  • comment je me représente le faire tiers-lieu.
  • de ma joie de vous lire toutes et tous, gens de ce mouvement de coopération qu’est le mouvement des tiers-lieux. Oui parce que souvent je me sens en désaccord, quand je lis des grandes envolées légales et de grandes organisations qui veulent faire différemment mais qui dans le fond se sont réorganisées comme les autres grands mammouth publique que nous avons connu. Je suis heureuse d’être en désaccord, parce que ça me permet de clarifier encire et encore ce que j’ai à en dire du tiers-lieu.
  • mon envie de vous voir en vrai, alors quand vous êtes à Besançon, retenez que vous êtes invités à passer au tiers-lieu “le 97”.
  • pour dire que je me tiens à disposition de ceux qui veulent approfondir la question du faire tiers-lieu en stigmergie. Ici, je fonctionne encore en questionnant chacun sur la contribution financière en conscience pour maintenir le commun moi-même. En résumé, j’ai fait le choix de me faire rétribuer financièrement parce que j’atteignais quasi 30 heures par semaine d’interventions en bénévolat. Je me suis dit que pour payer le loyer du tiers-lieu, ça n’allait pas le faire. Par contre, le midi, je mange au 97 et vu que je mange, je ne demande rien. Je me laisse aussi le droit de contribuer bénévolement quand je le décide.

Je vous remercie de m’avoir lu. En attendant de vous voir ou de vous lire, je vous souhaite à toutes et à tous une belle suite de soirée.

Et pour les fans d’organisation de bancs de poissons je vous invite à aller visionner cette vidéo de la chaine YouTube de Fouloscopie

Christine Jeudy | Alusage | Besançon


Coopérative de proximité du Quartier Battant
Une réponse collective au maintien et au développement économique du quartier