Le rêve
Je suis dans mon ancien appartement à Besançon. J’ai géré la porte d’entrée pour pas être emmerdée pendant mon temps à moi. Dis autrement j’ai fermé la porte pour ne pas être dérangée. Je remonte le couloir et rejoint la cuisine. Je sors les paquets de bonbons. Il y en a des longs, des court. J’entends du monde. Je me précipite pour terminer mes petites affaires avant l’arrivée de ces gens. Voici mon amie M. Elle a des cheveux en moins, elle a perdu de sa présence prestance. Elle a de grands tremblements. Je suis surprise de la voir ici. Elle revient d’avec un groupe d’étudiants de ses premiers cours de l’année. Elle explique comment c’est compliqué cette rentrée. Les larmes aux yeux elle me raconte que c’est le pire moment de sa vie. “C’est fini Christine” je l’écoute.
L’analyse
Suite à mon blackout de la semaine dernière l’Homme qui partage ma couche m’a conduite au vert, dans les Vosges. A notre arrivée nous nous sommes arrêté faire quelques courses. Lundi reste par moment brumeux, c’est un retour dans le réfrigérateur et dans le garde manger qui m’a fait me rappeler de ma folie pour le sucre: yaourts à la vanille, chocobons, bonbons au sucre, macarons… Dans ce rêve, je me mets en scène dans mon ancien appartement en train de m’organiser un plaisir solitaire avec des bonbons de toutes les tailles: des longs, des larges, des fins, des ronds. L'ancien appartement est une représentation d'une pièce de mon inconscient, lieu de mise en scène de mon histoire onirique.
Le parallèle avec mon sucre en vie de veille ne s’arrête pas là: la forme de ces plaisirs buccaux n’est pas sans me rappeler la forme de queue plate du castor dont j’ai parlé la veille à l’homme qui partage ma couche. Un ami me connaissant bien m’avais la veille envoyé une jolie vidéo d’un castor en train de grignoter dans le frigo, oui lui aussi. L’ami envoyeur de queue plate ayant un humour fin et percutant n’a pas été sans me rappeler mon goût pour tous ce qui avait justement les queues plates, à entendre mon goût pour le zizi. Mon rêve me mets ici en scène en train de m’organiser un plaisir sexuel solitaire dans mon ancien appartement: un long couloir fin menant à la cuisine: lieu de mon plaisir. Le sucre et le sexe, deux plaisirs de l’ordre du sexuel chez moi. Mais et alors, pourquoi cette folie de sucre en début de semaine?
Je continue mes associations. Mon amie M est une amie que j’ai toujours admirée pour sa beauté, sa faculté à sortir avec des beaux mecs et son diplôme de psychologue. Toute tentative d’identification a elle est donc bien à y voir. Dans ce rêve je l’affuble d’une perte de cheveux et de spsams corporels allant de pairs avec une maladie neurologique. Dans ma vie de veille je perds mes cheveux par poignées et j’ai encore quelques trace de trois crises d’épilepsies ayant eu lieu la semaine dernière.
Mon amie M est donc une représentation de moi même en ce que je m’identifie à elle:
- dans ce qu’elle représente de ce que je pense ne pas avoir: beauté, hommes, diplômes… toutes des métaphores du phallus (je m’attribue des plus piqués à une autre)
- dans ce qui me représente aujourd’hui en vie de veille et que je préfèrerais plutôt voir chez elle (c’est pas moi c’est l’autre)
La veille de ce rêve un échange avec une autre amie elle aussi psychologue m’a permis de chopper encore un nouveau souvenir de mon fameux jour de chimiothérapie début de blackout. Mon rêve a du sauter le pas d’une amie psychologue que je trouve canon à une autre comme un effet de censure, pour me cacher l'essentiel. Ce jour là j’ai comme dans mon rêve écouté une dame, sans cheveux, elle aussi recevant sa chimiothérapie. En l’écoutant je me suis dis qu’elle méritait d’être écouté par quelqu’un qui sait écouter les Sujets, alors j’ai donné le nom de mon amie en disant à la dame de lui dire qu’elle venait de ma part. J’ai dû dire à peut près cette phrase: “si moi je voulais être écouté par quelqu’un c’est vers elle que j’irai” Alors j’ai écris à mon amie sur Messenger, avant de me raviser, prise d’une culpabilité soudaine, d’utiliser du perso pour envoyer une dame en pro. Pour de vrai, l’amie en question me l’a rappelé, ma capacité à orienter les gens au bon endroit ne fait peu de doute. Alors, pourquoi cette culpabilité qui ce jour là m’a conduite à faire ce que je ne fais jamais: effacer des messages que j’ai écrit en espérant que son destinataire n’ai pas eu le temps de le lire? Et bien tout simplement parce que c’est moi qui avait ce matin là l’envie, le désir, d’être écouté pour de vrai. En effet je venais d’avoir eu le sentiment d’être mise au rang d’un corps à soigner et mise au banc en tant que Sujet. Je parle ici bien de ma représentation de ces moments et non d'une réalité qui se voudrait universelle. En effet je ne peux témoigner que d'une réalité Subjective: la mienne. La culpabilité s’est nichée sur le fait que j’ai entendu cette dame tout en lui projetant sur la tronche mon propre désir d’être entendue. Avec l’analyse, la culpabilité ne vient plus s’exprimer en vie de veille part des comportements de censure: je peux vous écrire ce qui s’est passé pour moi à ce moment là sans craindre votre regard ou encore le mien sur moi même. Ce jeudi matin, le poids du traitement ajouté à ma représentation subjective de ma vie comme finie m’a fait effacer pour de vrai des messages que j’avais écrit. Merci à l’amie de les avoir entraperçu, parce que c’est grâce à notre échange intersubjectif que j’ai pu accéder à nouveau à ce passage de ma vie. Ce matin là j'avais également pas bien envie de voir la partie de moi qui se voyait comme fini, ce dernier rêve et l'analyse me permet tout de même d'en accéder à la représentation.
Je suis heureuse de récupérer des souvenirs, retrouver ce que je pensais avoir perdu. La structure de la perte n'est pas sans me rappeler la structure de la castration. Je sais aussi que les 24 à 48 heures de vie qui ont suivi mon reboot neuronal je n’y aurai pas accès, parce qu’au delà de l’inconscient, du Sujet, de la psyché, il y aussi un corps qui part son fonctionnement permet aux images de se former, à la psyché à être. Et là vu la tempête qu’il a subit mon corps, pendant trois crises d’épilepsie, ben il lui a fallu du temps pour se remettre en route. Cette remise en route passe par le corps ET par mon désir pour l’autre, de l’autre, du sucre, du sexe, de l’orgasme, du zizi…
C’est parce que des êtres humains m’ont considéré à la fois en tant qu’un corps à remettre en fonction et en tant que Sujet que ma pompe de vie s’est réamorcée. A vous écrire je sens mon envie de sucre fondre comme neige au soleil.
Christine DORNIER | Psychanalyste | Besançon