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Putain! con! Richard est mort

Titre que je pressentais pour cet écrit: Écouter un vivant jusqu’à la dernière seconde et moi ça me fait quoi au juste. Ben voyons, comme si l’important c’était celui qui est mort et pas moi. Joli titre pompeux qui fait beau et me permet de ne pas aller voir l’essentiel: moi.

Près de trois mois se sont écoulés. Depuis je tourne et retourne. J’ai écris quelques rêves et de la théorie: sur la base du laboratoire de mes rêves. Pourtant je sens que je tourne autour du pot, autour de la question qui m’occupe: mon histoire de la mi janvier à ce fameux 23 février 2022 date de sa mort. Je parle de la mort de Richard Abibon. La question étant comment ça m’a touchée?
A vous écrire ces lignes l’émotion me prend et les larmes coulent. Oui ce que j’ai vécu est venu toucher une corde sensible, celle de mes émotions.

Une pause et un groupe parler de soi plus tard me voici de retour à mes affaires. Je cherche à trouver un fil pour parler de moi, ça lutte encore pour éviter d’aller y voir. Je vais prendre le taureau par les cornes et saisir un rêve.

Le village perché

le rêve

“Je suis en déplacement avec Nicolas (l’homme qui partage ma couche) et Florian (un ami). Florian nous a conduit dans une de ces maisons perchées dans le haut de leur village. Il a plein de bandes dessinées et ma fille remarque qu’il y a moult étagères, sûrement pour des livres. Pour arriver ici nous avons emprunté en voiture un chemin tortueux. Après la station à essence nous avons passé un passage très étroit.
F. met de la musique et danse. Il a la musique dans la peau. Je dis que moi beaucoup moins. Mon fils se met à danser, pas très gracieux des gestes empotés et saccadés. Puis F. change encore le disque et met une musique des années 80. Nicolas me dérange par sa présence. je ne me sens pas libre de ma sensualité lorsque ma main frôle celle de F.
Puis vient une publication faite par un inconnu de Facebook : dans un dernier souffle Richard nous a quitté. Beaucoup d’émotion et beaucoup de gens témoigne sur le réseau bleu de son amour pour lui”

Mon analyse

Ce rêve je le tire de la nuit du 29 janvier 2022. A cette date Richard est encore en vie.
Avant son entrée à l’hôpital qui interviendra à la mi-janvier, nous avons partagé un repas de nouvel an/ noël: une journée passée à papoter chez lui avec Nicolas: l’Homme qui partage ma couche et mes enfants. Nous avons mangé un repas de fête. Oui parce que Richard pour moi c’était ça aussi: la belle nappe de sa mère garnit d’une jolie vaisselle et sa cuisine qui n’avait rien à envier à un restaurant gastronomique. Mon rêve reprend les éléments de mes souvenirs pour en faire le décors de ce que je met en scène.

La maison

La maison de mon rêve, garnit d’une multitude de bandes dessinées est une représentation de la maison de Richard. En effet, sa maison était garnie dans la réalité de vie de veille d’une quantité impressionnante de bandes dessinées et autres livres. La maison de mon rêve est perchée parce Richard comptait me faire visiter le Puy en Velay, ville de son enfance. Le rêve vient accoler deux caractéristiques de ses lieux d’habitation pour n’en former qu’une. Ce voyage au Puy nous en parlions depuis l’automne, et l’idée fut avortée pour cause de douleurs intenses vécues par Richard depuis le mois de décembre.

F. métaphore de Richard, un effet de ma censure

Je n’avais pas fait attention avant ce rêve: F. est à peu près de la taille, de la corpulence de Richard, les cheveux mi long: un Richard beaucoup plus jeune en somme.
La similitude qui a conduit mon inconscient à grimer Richard en F. vient également s’encrer dans ce que j’ai compris de valeurs communes qu’ils avaient tous les deux: “préserver la Terre, la nature comme un bien commun” Chez Richard la nature, mais une psychanalyse aussi.
Alors pour de vrai, je sais bien qu’ils sont deux personnes à par entière, pourtant, j’utilise ce que j’y ai vu de commun entre eux deux, pour mettre en scène des représentations de Richard en y mettant une touche de censure: en utilisant l’image de F. pour essayer de ne pas voir qu’ici c’est bien de Richard dont il s’agit. Oui F. est plus présentable comme Sujet de mon désir, plus jeune, plus accessible.

Mon rêve, ma censure et moi

Lorsque nous avons parlé de ce voyage, ce déplacement au Puy en Velay, nous étions seuls tous les deux, probablement le jour de notre visionnage du Chevalier Vert. Son invitation au voyage m’a profondément touchée. J’ai sentie dans mon ventre les papillons du désir.
Lors de nos temps de co-vision, nous avons longuement échangé lui et moi, sur ce désir sexuel réciproque que nous éprouvions/trouvions dans nos inconscients. Pour ma part j’arrivais et arrive encore systématiquement à la conclusion suivante: pour de vrai j’ai largement ce qu’il faut à la maison et un passage à l’acte n’était pas envisageable pour moi.
Coté Richard, j’en ai compris que lui aussi n’envisageais aucun passage à l’acte parce que mon âge faisait censure dans son inconscient et dans la réalité: tout comme avec sa fille. Je rappelle ici que c’est ce que j’ai compris de lui hein, il restera un trou, un vide, entre ma compréhension et la réalité de ce qu’il en a dit lors de nos échanges.
Toujours est il que la mort vient comme avec mon père, entériner chez moi, un interdit de réalisation de mon désir sexuel œdipien: ici avec un père spirituel/en psychanalyse. Effet de censure (surmoi) qui sort jusqu’en vie de veille.

Alors delà du désir d’inceste qui me fait brandir un non éclatant au passage à l’acte, il s’agit aussi pour moi ici de clarifier comment cette structure qu’est la différence entre l’imaginaire et la réalité, intriquée avec l’interdit de l’inceste: sont à la source de mon plaisir à rester dans l’idée et non dans la réalisation pour de vrai.
J’aime rester dans l’idée parce que dans mon imaginaire le fait d’avoir eu un désir de réalisation de l’inceste a entrainé l’idée de coupure de mon zizi: ça à de quoi refroidir les ardeurs hein. Mieux vaut qu’elle ne reste qu’une idée

Je profite ici pour faire une dédicace à Nicolas, l’Homme qui partage ma couche. Je ne sais pourquoi, lui seul en parlera peut être un jour, toujours est-il que jamais il ne s’est senti menacé par la lecture de mon travail.

Mai 2022

Christine Dornier | Psychanalyste | Besançon

“Ce qui me sidère dans la mort c’est l’oubli”