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Lorsque j'associe sur une œuvre d'art

une psychanalyse du Sujet en dehors du cabinet de l'analyste

Réflexion née d’un échange Facebook autour des propositions de peinture ou film comme support à l’association libre. L’un des posts je l’ai lu comme dénigrant ma pratique et ce que je suis. Précision méthodologique: je parle ici de moi et de mes représentations.

Je rebondis en particulier sur une question de l’auteur du post qui m’a touchée: “mais la psychanalyse est-ce ce genre de discussion consensuelle sur les réseaux sociaux ?”

Sur cette question je dis la chose suivante : ma proposition de parler sur un texte, une œuvre un film, c’est proposer un terrain commun où des Sujets peuvent associer sur ce que leur dit une œuvre.
L’intérêt que j’y trouve, tout comme dans les groupes parler de soi ou une séance d’analyse c’est que le Sujet parle de lui. Je dis que ces dispositifs différents permettent de proposer des endroits différents pour produire du Sujet, parler de soi en somme.
Pour moi, l’avantage de la rencontre duelle/au cabinet, avec le/la psychanalyste c’est l’intimité et le pari d’un risque de jugement moins grand avec une seule personne. De plus cette personne est sensée pouvoir tout entendre sans morale bien pensante. Quelques uns que j’ai écoutés et écoute encore m’ont dit : “je cherche une vraie psychanalyste” j’ai demandé “pourriez vous me décrire ce qu’est une vraie psychanalyste pour vous ?” Ils ont répondu " quelqu’un à qui on peut parler de tout sans être jugé"
Mon chemin d’analyse m’a amené à moins avoir honte des idées que je porte. Moi j’ai aimé, chérie le confort de parler à une seule personne, mon psychanalyste qui écoutait sans me juger. Bon j’ai pensé parfois qu’il avait un avis sur moi (négatif ou positif), je me suis fait des films, sur ce qu’il pouvait penser de moi et puis sur ce que je pensais/ressentais pour lui, là j’ai analysé (et je continue d’ailleurs malgré sa mort, sa représentation dans mon inconscient elle est toujours présente).
J’ai eu du mal à le regarder dans les yeux parfois et j’y ai trouvé du désir sexuel, comme pour ma mère ou encore mon père (pas que hein: voir mes rêves) Aujourd’hui je sais que c’est juste une idée, c’est là dans mon inconscient, c’est comme ça et pas de passage à l’acte en vie de veille. Le mot n’est pas la chose. Je ne suis pas le désir que je porte. Je ne suis pas dégueulasse parce que j’ai des idées dégueulasse dans mon inconscient.

Les publications de mes rêves, analyses ou autres associations, je peux les rendre accessible à tous aujourd’hui, parce que j’ai moins peur du regard des autres. Au grand jamais je jugerai quelqu’un qui publie ou pas un rêve, une association d’idée: chacun son chemin. Lorsque je lis des commentaires qui dénigre mes publications, mes invitations à parler de soi autour d’une peinture, j’ai eu des piques au ventre, angoisse probablement. Force est de constater que j’ai encore un peu peur du regard des autres. J’entends que celui qui écrit le commentaire peut sympathique ne me porte pas en grande estime, et ça me touche, m’émeut. Je vais bien hein. Je ne reproche rien à personne, je parle de ce que ça me fait. Juste ça me fait dire que si: le regard des autres m’importent encore. L’angoisse de ne pas suffire est toujours là, son expression est juste adoucit et me permets tout de même de publier en public mon travail psychanalytique.

Le support de la peinture ou d’un film a, à mon sens, ceci d’intéressant :

  • il est une représentation sur laquelle peut parler un être humain, voir plusieurs êtres humains (contrairement à un rêve : représentation onirique accessible à un seul)
  • La publication en public d’association libre, la sortie en dehors du secret du cabinet, a cet effet secondaire fantastique : permettre de regarder à plusieurs s’il y a des points communs dans la structure de ce que les gens disent sur eux, sur leur inconscient. C’est pas une obligation je le répète c’est un choix individuel.
  • Parler de soit est tellement engageant et parfois la censure interne si puissante il est plus aisé de parler sur une représentation qui est en dehors de soi. L'avantage de l’œuvre, c'est qu'il ne s'agit pas d'un Sujet, donc pas de risque d’interpréter à la place d'un autre. A parler en association libre sur une œuvre je parle de moi.

Je porte des idées strictement inverses : oui ça se fait pas de désirer un parent, j’ai une force en moi qui tend à détruire la première représentation que je viens de vous conter. Je ne suis pas consensuelle dans mon propre inconscient, et dans ce que je pense de la psychanalyse des Sujets il n’y a rien de consensuelle, au contraire l’expression subjective de chaque Sujet qui parle de lui c’est pas un consensus au préalable.
Juste parfois à écouter d’autres Sujets je me dis “ah tient chez lui aussi” alors je me sens moins seule et je me sens appartenir à ce club si vaste qu’est l’humanité.
Cette prise de conscience supporte l’idée complémentaire de " je suis Christine Dornier née de mes parents et en même temps je suis membre du club des humains" c’est à dire que ma subjectivité cohabite avec l’idée que je fasse partie des êtres humains: chose plus universelle . Être un être humain annihile nullement le Sujet Christine Dornier . L’universel et l’individuel cohabitent, je fais avec ce paradoxe.

Le consensuel me fait penser à ces courants de pensées qui se disent avoir la bonne réponse, la bonne solution et dont les êtres humains qui les composent oublient de retourner au laboratoire vérifier la solidité des connaissances transmises. Souvent j’observe des bulles de gens d’accord entre eux, qui ne parviennent plus à parler à la bulle voisine parce que chaque bulle est persuadée d’avoir raison. Je n’échappe pas à la règle, moi aussi j’exclue au moins dans mon inconscient, les bulles que je considère comme ne retournant pas au laboratoire pour vérifier les théories transmises par les anciens et/ou les pairs. Le fait de le repérer me permet d’être beaucoup plus tolérante dans la réalité de ma vie de veille. Et ainsi j’ai pu voir que même avec ces bulles j’ai à faire: elles me poussent encore plus à clarifier mon discours, elles me convoquent à la recherche encore plus, et ça: ça me plait.

Christine Dornier
Psychanalyste

Un rêve de guerre de Chapelles