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La Plateforme

Film de  De Galder Gaztelu-Urrutia

Bande annonce du film

L’amorce du film m’a glacée, par sa musique et par la mise en scène. Le mélange entre les vues dans une cuisine luxuriante,sur le visage de Goreng et la pièce parée d’un trou dans son sens (je voulais écrire centre) m’ont conduite à me contracter physiquement sur mon siège. J’ai ressenti comme un malaise parcourir mon corps.

J’ai de suite associé le souvenir de mes ressentis enfantin lorsque je me retrouvais seule dans mon lit le soir à la tombée du jour: je savais que le scénario de mes rêves allait me conduire vers des sorcières coupeuses de membres.

La première chose qui m’a marqué c’est l’ambiance des cuisines comparées à celles des cellules:
• Une différence de couleur, un blanc immaculé contre un gris sale
• Une différence de son, cotonneux inaudible pour l’une, et sons stridents et tranchant pour l’autre
• Une différence dans le mouvement, gracieux comme un ballet pour l’une, figée et glaçant pour l’autre

Cette sensation de malaise que je vous ai conté, elle est justement en lien avec la question de la différence. Elle parle tout simplement de comment la différence des sexes est mise en représentation dans mon inconscient. C’est à partir de cette différence que j’ai amorcée l’esquisse de mon image, une image qui se différencie de l’autre et du monde qui m’entoure.

D’abord l’amour lumineux d’avec ma mère, période bénie aux langes immaculés de blanc (me vient la référence à Astérix et Obélix les douze travaux: Olympe la lessive des Dieux1). Le repas me parvenait comme il vient à une reine, tout préparé, d’abord par le cordon ombilical ma mère m’a raconté avoir mangé beaucoup de saucisson pendant ma période de résidence dans son ventre alors qu’en temps normal elle en raffole guère. Le film vient me faire penser à cette période, d’autant que la prise de vue de la cuisine par sa clarté et le son cotonneux me fait penser à ce que j’aurai pu voir et ressentir quand je baignais dans le liquide amniotique. Le plaisir de la nourriture s’est ensuite déplacée à son sein, puis dans l’assiette amoureusement cuisiné pour mon plaisir gustatif.

A vous écrire me vient l’association suivante: un jour ma fille m’a mordu, elle avait deux ans. J’ai dis " Aie mais qu’est ce que tu fais?" Elle de répondre "Ben je t’aime toi" Elle aimait sa mère tout comme elle aimait le chocolat. Hé voui, comme pour ma fille, moi petite, aimer pour moi c’était ce qui se mange.
D’ailleurs les bébés dans le ventre des enfants, n’est ce pas parce que les mamans les ont avalés? Dans le film, les scènes d’anthropophagies m’ont soulevé le cœur, j’ai eu la nausée : excellent mouvement de censure face à ce désir toujours présent dans ma psyché. Les choses ne s’effacent pas, elle sont mise en arrière plan, pour ne pas être vu parce que beaucoup trop insupportable.

Lors de mon passage in-utero et le reste de ma vie je n’ai partagé ces mets avec aucun autre membre de fratrie, je suis fille unique et l’unique fille de mes parents. Et pourtant j’ai haïs comme des frères tous ces gosses de mon village à qui elle a enseignée la lecture. Des élèves certes, mais voila que pour moi ils sont devenu des rivaux, comme mon père, qui venaient piquer la bouffe de mon assiette: l’amour goût saucisson que ma mère me portait. J’ai vécu la chose comme si j’avais été reléguée au trois centième étages de ce film: plus rien à becter à l’arrivée de l’assiette. Mon appétit de son amour était tel que je me reconnais dans la compulsion à manger le plus possible lorsqu’elle me donnait un peu de temps, au cas ou dans l’avenir elle donne plus de temps aux autres. Je me gavais de son amour au dépend de tout autre être vivant aux alentours. J’étais le centre de son monde, le centre du monde.

Cette peur de ne plus avoir assez de nourriture affective, elle me conduit encore sur le chemin de l’angoisse. Cette angoisse elle est guidée par l’idée de la perte, de mon statut de phallus de ma mère * de son amour* et de mon propre phallus * image douloureuse de ma castration imaginaire . Autrement dit chez moi la question de qui je suis se traite conjointement autour de être et avoir * le phallus.

Ce film est pour moi truffé de mise en représentation de la castration ex: le couteau qui s’aiguise en coupant, mais pas seulement. J’y entends aussi la mise au monde du Sujet, représentée dans le scénario par l’enfant: le signe c’est elle Pour me mettre au monde je suis d’abord passé par cet amour que je vous ai conté. Puis j’ai eu à faire à l’ensemble de mes représentations psychiques venant mettre en scène la différentiation des sexes en tant que tel, son origine et ses conséquences.

Dans le film l’ensemble des personnes prisonnières m’ont fait penser à l’ensemble des représentations de moi et des autres que je porte à l’intérieur de moi: du cuisinier censeur de jeune apprenti ayant perdu un cheveux dans le plat allons donc un truc perdu qui est tombé dans la soupe? à ce prisonnier qui chie sur la tête du grand black en quête de liberté qui tentait de sortir par le trou.
Avant de pouvoir mettre des mots sur ces représentations refoulées, j’ai subis des assauts de mon inconscient en vie de veille: angoisse de cancer, migraine, cigarette, répétition de mouvement désagréable au sein de collectifs (famille, amis, collègues…) C’est comme si je naviguais dans le brouillard, un peu à l’image de Goreng qui se réveille la tête enfarinée de son sommeil transférentiel mensuel.

L’œuvre d’analyse, que j’ai entreprise et que je continue, vient remettre sur scène ces représentations oubliées. Au lieu qu’elles ne montent sur scène de manière aléatoire en vie de veille, je les couche sur le papier, je les parle pour qu’un autre puisse les comprendre. Ainsi en clarifiant pour un autre, je remets en scène l’ensemble de mon théâtre intérieur. Je gagne en apaisement à repérer et me faire une image des idées que je porte. A plus je parle, à plus j’assume et comprend que je ne suis pas les idées que je porte. Autrement dit je me mets au monde de manière symbolique en dégageant de la somme de mes perceptions une image de moi. Pour moi c’est ce que mets en image le film lorsque la petite fille monte sur la plate forme et remonte à toute vitesse pour sortir du trou, en direction de la lumière.

En conclusion, je note la chose suivante: comme dans mes rêves le sens de chute est relatif, dans le film ça monte, dans la vie de veille, l’enfant sort d’entre les cuisses de sa mère.

Je profite de la publication de cette analyse de film pour vous partager également celle écrite par Richard Abibon: cliquez ici Il y a d���ailleurs joint l’analyse d’un autre Sujet, son ami Gino.

A mes rêves 2019
Suite à ma prochaine publication

Christine Dornier | Psychanalyste | Besançon

2h22min: Histoire de répétitions
Analyse du film, attention spoiler.