Le rêve
Je suis dans un magasin de vêtements, une friperie. Je monte dans une espèce d’alcôve par une échelle pour chiner encore mieux. Pour tout vous dire je monte même deux fois. L’accès est étroit et bas de plafond. Une fois là haut je trouve des choses qui me plaisent infiniment, des textures d’habits douces et soyeuses.
J’entends une voix, une dame ancienne collègue de mon ancien boulot qui
parle à la vendeuse: X. Elle explique que X. doit appeler P. J. pour
mettre en place les repas.
Depuis l’alcôve je récris la dame lui expliquant que son morceau de
protocole pour mettre en place les repas n’est pas le bon. Elle est
ravie et étonnée de m’entendre.
Je descends de l’alcôve. Je tiens mes anciens habits dans les mains. Je
les perd/jette dans une poubelle argenté derrière la table où est X.
Puis la dame de mon ancien travail me fait passer un test COVID. Le test
consiste à lever les bras en l’air, toucher mon nez avec les indexes,
puis s’accroupir et ouvrir la bouche. Elle introduit dans ma bouche une
espèce de pastille plastique, en forme de tube. Puis avec ses mains elle appuie sur mes joues pour me faire une bouche en cul de poule. Le
dispositif test Covid se mets à sonner: je suis positive. Je lui dis en
sachant dans le rêve que je ment: "j’ai fait un test ce matin et j’ai eu
le Covid il y a peu de temps: votre test est foireux.
Le rêve m’emmène dans une autre salle. Une fille un peu énervée m’a
mise/ou a installé un homme, attaché par le cou, la tête à hauteur
d’envoi d’un ballon de foot. La tête dépasse du sol, le corps est en
dessous du niveau. Je suis terrifiée, elle (la fille énervée) veut lui
ouvrir la colonne. Elle veut le faire payer grave … elle prend un grand
plaisir. J’ai le sentiment qu’elle fouille/farfouille dans ma colonne
vertébrale. Je me réveille terrifiée.
L'analyse
L’alcôve
de mon rêve est une représentation du ventre de ma mère. Mon imaginaire
utilise à posteriori, le ventre de ma mère, matrice originelle de mon
corps, comme lieu de création du Sujet Christine Dornier. Autrement dit,
dans ce rêve, l’alcôve est un lieu où je prend forme, d’ailleurs j’y
revêts de nouveaux vêtements, et je suis emplie/recouverte d’une
sensation physique digne d’un rapport sexuel doux et soyeux: la texture
de ma nouvelle peau/mes nouveaux habits.
Vous aurez vite compris que les deux aller et retour dans le passage
étroit et bas de plafond menant à l’alcôve sont une représentation d’un
acte sexuel entre moi, mon corps tout entier comme zizi/phallus et ma
mère (une scène primitive). Dans le rêve je prend un
plaisir intense à chiner mes nouveaux habits, oui c’est politiquement
correct à voir, donc plus facile à mettre en scène dans mon rêve qu’une
réalité imaginaire crue ou je passerai dans un vagin humide. Tiens à
vous l’écrire je trouve l’image terriblement dégueulasse et terrifiante.
Merci mon rêve d’y substituer des métaphores, le refoulement ça a du
bon parfois.
Une voix du dehors vient attirer mon attention et me pousse à sortir de
l’alcôve/ventre de ma mère, à m’accoucher parée de mes nouveaux
habits/nouvelle peau (auto-engendrement). La voix que
j’entends, provient du champs professionnel, ce qui me fait dire que
l’accouchement de moi même traité ici, appartient lui aussi à ce champs.
Le rêve tente de noyer le poisson, en inversant le temps, en amenant
une voix du passé. Mais la poubelle argenté est un repère qui me redonne
le sens. Cette poubelle dans laquelle je jette mes anciens vêtements
est celle du Tiers-Lieu “le 97” là où je travaille aujourd’hui: mon rêve
parle ici de ma vie de maintenant et de comment je suis en train de
revêtir une nouvelle peau professionnelle.
Pour
le lecteur qui n’aurait pas encore l’information, je suis Christine
Dornier, après 15 ans d’exercice en tant qu’assistante de service social
auprès de personnes dites psychotiques, j’exerce aujourd’hui la
fonction de concierge dans un Tiers-Lieu, de facilitatrice des organisations et de psychanalyste. La psychanalyse en tant que discipline traitant de la psyché humaine est pour moi au cœur de ces trois fonctions.
La dame qui parle à la vendeuse est une directrice et malgré mon départ
elle est heureuse de m’entendre, genre je suis importante à ses yeux.
Mon rêve me donne une revanche, la hiérarchie qui n’a à mon goût jamais suffisamment reconnu ma valeur en vie de veille est heureuse de me
revoir. Je lui explique qu’elle se trompe, je m’offre le luxe d’avoir
raison. Oui le rêve sert aussi à se faire du bien, même dans un pour de
faux. Le regard de X, la vendeuse de mon rêve, m’a également été
précieux dans la construction de mon identité professionnelle
d’assistante de service social. Ici elle est quelque part “que vendeuse”
contrairement à moi qui ai réussi avec mes nouveaux habits. Je suis pas
fière de porter cette idée hein et en vie de veille je ne dénigre pas
les gens ainsi. Force est de constater que dans mon inconscient c’est
pas aussi blanc que je voudrais.
Mon analyse m’a permis de me détacher de la représentation suivante:
pour être ça passe exclusivement par le regard d’un autre. Une nouvelle
représentation a émergée: celle de moi coupant les fils me reliant en
tant que marionnette d’un autre, d’un créateur (la vendeuse X, la
directrice, ma mère) qui me donne vie. Je mets au loin, loin de moi le
créateur/mon Gépéto à moi et ses injonctions à être (fort), pour tenter de me récupérer moi en tant que Sujet à part entière (da). Autrement dit je suis en train de faire de la représentation, et pas n’importe laquelle: une représentation de moi même.
J’en
reviens à l’analyse de mon rêve et pour contre carrer sa tentative de
noyer mon poisson dans le passé, je vais plutôt vous parler de Richard
Abibon. Parce qu’en fait cette Madame X et la directrice elles
représentent en inversé, homme/femme, présent/passé l’homme qui après
avoir été mon psychanalyste/homme aux fines oreilles et devenu mon ami.
Madame X et la directrice sont une représentation de Richard. Leur
conversation/la voix de Richard me fait sortir du ventre de ma mère/ de
mon ventre dans une idée d’auto-engendrement. Autrement dit je le désir suffisamment pour que je me mette en mouvement afin de le rejoindre et à
mon tour converser avec lui. Ma mise en mouvement en dehors de l’alcôve
est une mise bas, je me mets au monde parce que je désire dehors. Vu la
manière dont la femme, métaphore de Richard, me fait passer le test Covid, je peux largement qualifier mon désir pour lui de désir sexuel (œdipe),
oui les mouvements de gymnastique associés à l’introduction d’un
cylindre rond dans ma bouche me laisse entre apercevoir une relation
sexuelle et une fellation.
Après avoir mis un terme à mon analyse avec Richard et m’être autorisée
en tant que psychanalyste, nous avons commencé lui et moi à travailler
sur un projet de transmission. Nous avons construit un colloque: lieu où
deux psychanalystes parlent d’eux en suivant une thématique déterminée:
un fil d’Ariane. Le thème choisi: comment la machine à faire des
représentations fonctionne-t-elle? Comment la représentation se
forme-t-elle dans l’inconscient? Puis une deuxième qui nous a permis
d’explorer la question des sentiments dans la création des
représentations. Les vidéos sont encore accessible sur la chaîne youtube de Richard Abibon.
Puis petit à petit, nous avons mis en place des temps de conversations
chaque semaine. Depuis son déménagement nous marchions chaque semaine
deux heures, et nous parlions de nous, un groupe parler de soi où je
l’écoutais et inversement. Un échange de temps entre lui et moi pour
parler de nous dans moultes situations du quotidien et/ou professionnel:
autrement dit nous étions en co-vision. La porte d’entrée que j’ai
aimé: mes rêves et leur analyse. Nous avons abordé la question du désir
sexuel présent dans nos inconscients respectifs et de l’interdit de
passage à l’acte entre nous deux (interdit de l’inceste).
Nous avons pu analyser chacun depuis nos chaussures, comment ce désir
interdit dans le passage à l’acte venait trouver un autre moyen
d’expression dans un travail en commun autour d’une psychanalyse. Pour
ce qui concerne les représentations appartenant à Richard lui seul aurai
pu vous en dire quelque chose, ici je parle de moi et de mes
représentations.
Depuis
mi janvier nos échanges ont été de plus en plus fréquent. Je voulais
être là pour écouter mon ami dans ce qu’il avais à dire (à vous écrire
cette dernière ligne me voici prise de sanglots) Nous avons continué à
travailler, à parler, à analyser: lui ses rêves/délires/réalité et moi
mes rêves, mon quotidien. J’ai notamment continué de réfléchir sur le
dernier point d’accoupure, celui vu par Richard comme le point de hurlement.
Putain, suis vachement émue d’écrire ces lignes, et encore bien
davantage à l’idée que j’ai pu être ses fines oreilles. Les larmes qui
coulent à cette instant sur mes joues c’est un mélange de tristesse, de
peine et de fierté: putain j’ai été digne de l’écouter. Lorsqu’il m’a
expliqué qu’il allait dire au revoir à ses analysants il m’a demandé
l’autorisation de leur donner mes coordonnées. J’ai dis oui sans hésiter
une seconde. J’ai dis oui parce que j’étais fière, fière qu’il m’estime suffisamment douée pour me confier les analysants qui feraient le choix
de me contacter. L’effet que ça me fait et le suivant: comme si sa
démonstration de confiance en moi, comme si le fait qu’il m’aime pour ce
que je suis me permettais de m’autoriser encore davantage en tant que
psychanalyste.
Tu noteras cher lecteur que ça dénote plutôt fort de ce que je décris plus haut dans comment je cherche à mettre au loin (fort)
mon créateur/ma mère/Richard/la directrice/Madame X . Ici je reprend à
mon compte des traits de celui à qui j’attribue l’origine de ce que je
suis (da) Je boucle la boucle, le point d’accoupure de
ma nouvelle représentation de moi. Avec ma mère ça me fait un truc
similaire: je n’ai pas pu la sentir, je veux dire pour de vrai son odeur
m’a insupportée pendant près de 20 ans. Aujourd’hui je la retrouve avec
bonheur et bonne odeur, mieux je découvre des traits que je lui ai
emprunté et j’en suis fière. La force de l’analyse m’a fait comprendre
que prendre un trait, tirer un talent de quelqu’un ce n’est pas le
prendre pour de vrai. Je n’ai rien volé à personne, je n’ai pas
réellement le truc de quelqu’un en moi: autrement dit le mot n’est pas
la chose. Je suis moi et je revêts mes nouveaux habits, toutes seules,
ceux que j’ai choisi, que j’ai pris plaisir à chiner, ceux de
psychanalyste encore un plus psychanalyste qu’avant. C’est comme si les
sentiments de Richard à mon égard avaient eu l’effet de m’autoriser à me
trouver des habits de psychanalyste encore plus beau, et les miens. Et
tout comme avec ma mère, la chose a pu être opérante parce que tout deux
m’ont considérée/traitée comme un Sujet à par entière.
A ce stade de l’écriture, je ressens de l’apaisement, mes larmes se sont arrêtées de couler. Et je comprends pourquoi mon rêve fini dans une scène si angoissante. La fille/garçon qui subit les atrocités et la fille qui prend plaisir à trifouiller dans la colonne de l’autre, se sont toutes les deux des représentations de moi/ma mère/la fille de Richard. Les représentations de ma mère et moi, je les ai déjà aperçues dans mes rêves, il s’agit de ce truc de jalousie que j’ai vis à vis d’elle et comment je me figure que c’est elle qui m’a fendu l’entre cuisses en punition de mon désir sexuel interdit pour mon père. La colonne vertébrale est une image que j’emprunte à la série Grey’s Anatomy pour donner une représentation de ma castration. En ce qui concerne la représentation de moi en train de fendre le corps de la fille de Richard ça dit que j’ai le sentiment de la castrer, de lui voler un truc: son père (ça). L’inversion des places dit que je me fais la représentation d’un risque à me faire castrer par sa fille, oui c’est interdit de se prendre pour la fille d’un autre, c’est elle la légitime (surmoi)
date nuit du 20 au 21 février 2022. Dernier rêve et analyse de rêve que j’ai conté à Richard Abibon.
Richard est mort Le 23 février 2022 à midi.