Le rêve

[rêve brute suite à la pose de ma CIP: 10 mai 2023] Je suis à l’hôpital et le médecin vient poser ma chambre à injection. Rien d’affreux, juste une douleur à un moment donné. Le soir je rentre chez moi et je vais boire un coup chez des amies.
Je marche avec mon ex, il fume. La fumée vient sur mon nez et ça m’agace. J’ai pas arrêté de fumer pour que d’autres m’en mette plein la gueule.
Ses amis sont en collocation dans une maison qui est la maison de mes ex beaux parents. La voisine est passé voir l’une des filles. Elle est propriétaire de la nue propriété de la maison, elle vient réclamer un loyer. Je me dis que la chose est quand même complexe, les parents de mon ex ont habités toute leur vie ici, et ils se retrouvent à avoir juste l’usufruit.
En contre bas la rivière monte à vue d'œil. Je vois passer un tracteur jouet emmené par les flots, puis un vrai tracteur. Je me dis que si ça continue je vais être obligée de dormir ici parce que le chemin va être coupé.
Le médecin qui est aussi en collocation ici fait la gueule. Puis on parle de la pose de la CIP : j’explique que j’ai pas eu si mal que ça, juste un instant. Il dit “elles disent toutes ça.”
Deux gros dictionnaires trônent sur une étagère, je me penche pour lire, il s’ agit de dictionnaires de philosophie.

L’analyse

Le 9 mai 2023, je me suis rendue au CHU de Besançon pour mon rendez-vous avec l’oncologue et la pose de ma chambre implantable percutanée (CIP).

Les journées sont bien remplit lorsque je vais au CHU, mais cette journée fut particulière.

La CIP est un dispositif qui se pose sous anesthésie locale, à entendre vous êtes conscient lorsque les médecins vous l’implante.

CIP

Chambre implantable percutanée

Par chance ou par oublie, j’avais peu de représentation de ce que j’allais vivre. J’ai au fur et à mesure de la journée découvert à quelle sauce j’allais être mangée.

Etape 1: Hôpital de jour.

La rencontre

L’infirmière, que je vais nommer Camille, et son élève que je vais nommer Amélie, sont venues me saluer. Le bal des questions de sécurité a commencé: “pourriez vous m’épelez votre nom, prénom et date de naissance?” A bien! c’est bien la gonzesse moi même qui est attendue. Une fois de plus Amélie m’a parée de ce jolie bracelet vert arborant l’étiquette du bureau des entrées: une sureté médicale qui permet de savoir qui je suis quand bien même je suis inconsciente. Oui c’est rassurant de savoir que par erreur on va pas m’enlever le rein qui était prévu d’enlever sur une autre patiente. 
Malgré le subterfuge qui tend à faire passer mes ex beaux parents pour mes parents, la maison dont parle mon rêve est bien la maison de mes parents. J’ai l’idée d’aller y rejoindre mes amies pour y faire la fête, comme si cette maison était la mienne. Dans la réalité de vie de veille, depuis la mort de mon père je suis la propriétaire d’une bonne part de cette maison. La voisine est donc une représentation de moi même. Je viens réclamer un loyer à mes parents pour l’occupation de la maison. Ici j’y vois la représentation de mon ça bien énervé qui en veut grave à mes parents des manquements qu’ils ont eu à m’entendre en tant que Sujet à part entière. De plus, la situation fait que j’ai la propriété d’une partie de cette maison et aucun usufruit, c’est ma mère qui en est en pleine possession, comme de mon père lors de leur vie de couple et ça ben la pilule a du mal à passer.  A quoi donc la propriété d'une maison dont je n'ai pas l'usage peut elle me servir? à rien. 
En vie de veille c’est la partie gentille fille qui ressors tout comme dans ce rêve: “Je me dis que la chose est quand même complexe, les parents de mon ex ont habités toute leur vie ici, et ils se retrouvent à avoir juste l’usufruit” il m’apparait anormal que mes parents qui ont toute leur vie travaillé n’en soient pas propriétaire en pleine propriété.

J’identifie donc deux désirs contradictoires qui cohabitent dans une étroite proximité: comme dans la maison.

• désir de faire payer mes parents pour ce qu’ils m’ont fait subir de désagréable et m'en récupérer au moins des biens de valeurs en échange de la valeur que je n'ai pas eu à  leurs yeux.
• désir d’être une bonne fille qui les respecte pour espérer améliorer mon sort lié au premier tiret.

Du bracelet d’identification à la prise en compte du Sujet

Ce bracelet me rappelle celui des nourrissons. L’hôpital, on y nait et comme premier contact nous y trouvons la main gantée d’un soignant avant le sacrosaint peau à peau d’avec la mère. Il est évident pour moi que la médecine a sauvée et sauve des vies, et pourtant je reste avec mes questions sur la prise en compte du Sujet au sein de cette grande entreprise du soin. Lorsque je parle de Sujet, je parle des dits “patients” mais aussi des dits “soignants”. Qu’en est-il de ce que ressens ces Sujets? peuvent ils parler? où parlent ils? voient ils une plus values à parler d’eux? sur ce que ça leur fait d’être pris en charge ou sur ce que ça leur fait de soigner des corps? parfois sur ce que ça leur fait de perdre des patients?
Je peux au moins répondre pour l’un de ces Sujets, le Sujet moi même trouve une vrai plus value à parler d’elle et à être entendue par d’autres êtres humains.

Le courant passe entre nous

J’en reviens à mes infirmières et à la suite du protocole d’accueil: le cathéter. Un peu échaudée par les multiples trous dans ma peau et par le dernier stagiaire qui m’a entreprise, me voici à dire à mes deux compagnonnes de passages “dites c’est pas que je veux pas aider à former les jeunes hein, mais franchement un cathéter posé par une jeune ou une ancienne je vois la différence. Je sais pas, j’ai l’impression que les anciennes, elles appuient fort sur la veine, comme si ça venait bloquer le cathéter avec la veine. Alors quand elles bougent l’autre main pour prendre le reste de leurs outils, j’ai pas l’impression désagréable d’un roulis interne entre ma veine et le reste de mon bras”. Camille de répondre “Ah ben tu vois Amélie, la dame confirme ce que je vous dis quand vous arrivez en stage, moi en plus du doigts, je mets un strippe pour fixer l’embout le temps de faire mes manipulations et de coller la protection.” Soulagée à l’idée de pas souffrir, je me relâche un peu. Amélie continue sont apprentissage et me pose le cathéter sans que je ressente de douleur.

Des cachets pour prévenir la suite, mais de la parole encore.

Les voici à me tartiner le creux de l’épaule et le cou d’une crème anesthésiante. Interloquée j’apprends que si la pose ne peut se faire au creux de l’épaule, la CIP est installée au niveau du cou. GLURPS…
Camille continue: “nous proposons ensuite aux dames de prendre un cachet pour se détendre.” Une brève hésitation et me voilà à accepter sa proposition, parce qu’imaginant l’intervention au niveau de mon cou, je me suis dis que le plus stone je serais, le mieux ça serait pour moi.
Malgré les échanges clairement régit pas une liste protocolaire j’ai aimé la rencontre avec ses deux femmes. Le fait d’avoir pu en sus contribuer à la formation d’une jeune recrue est venue gonfler mon égo, m’a soutenue dans le passage de n’être qu’un corps à soigner, à Sujet en capacité de transmettre de son point de vue ce qui améliore l’acte technique et le soin. Ici j’effectue une pirouette qui me permet de me récupérer en tant qu'auteur d'un moment à deux, dans une situation où celui qui a la maitrise c'est l'autre. La maitrise est du côté de celui qui pratique les gestes techniques sur moi. Dit autrement je suis devenue pour un temps auteur de mon parcours/ de ma vie, dans un moment qui aurait pu m’en priver.

Etape 2: le Bloc opératoire

Dans les couloirs de la marche mais point de parole: la perte du Sujet

Le brancardier arrivé, me voici partie dans les méandres de l’hôpital pour rejoindre la salle d’attente des patients debout à destination du bloc. Certains diront peut être qu’il s’agit de coupes budgétaires, de soucis de protection du dos de ses personnels, moi j’ai lu les affiches indiquant que rendre acteur le patient de sa descente au bloc ça l’aide à mieux supporter les soins. En quelque sorte, le patient patiente un peu moins, là au moins il marche. C’est dans ces couloirs que j’ai croisé le médecin de mon rêve. Je lui ai trouvé une gueule d’enterrement doublée d’une sacrée mauvaise humeur. Le politiquement correct voudrait que je parle de ses comportements, l’inconscient n’a rien de politiquement correct et c’est une représentation d’un mec faisant clairement la gueule qui ressort. J’ai trouvé louable la tentative de rendre acteur de sa prise en charge le patient. Néanmoins, je ne me suis pas sentie dans les couloirs dans une position d’être acteur de quoi que ce soit, suiveur tout au plus. Dans les couloirs je me suis perdue en tant que Sujet et je n’ai trouvé aucun autre Sujet pour m’y rattraper. Mon rêve emprunte un tracteur que j’ai eu à l’aube de mes 6 ans, cadeau merveilleux d’un Noël enneigé du Haut Doubs, comme métaphore de ma perte de phallus/ d’égo/ de consistance de Sujet dans les méandres du lit de la rivière représentation des couloirs sans fin de l’hôpital. Le rêve y mets d’ailleurs une double couche, du jouet jusqu’au vrai tracteur qui part entrainé par les flots déchainés.

Me revient mes associations sur le bracelets d’identification:

• une premier tracteur, le plus petit qui se trouve emmener dans les couloirs humides du vagin de sa mère pour le jour de sa naissance,
• et le second, plus gros en représentation de mon moi d’aujourd’hui en train de vivre l’impensable: le traitement d’un cancer du sein à 40 ans. La nouvelle de ce cancer et les modalités de soins m’ont secoués comme dans de furieux rapides.

De l’angoisse lorsqu’absence de représentation

Pour la pose de la CIP, les soignants m’ont installée sur la table d’opération. Le sentiment de mal aise a commencé à me prendre. Alors dans la ligne des rencontres de cette journée, une infirmière m’a tenue la main pendant toute l’opération et m’a expliqué chaque geste que l’interne en chirurgie a pratiqué. Sa présence a été d’une efficacité bien plus grande que celle du médicament de l’hôpital de jour. J’ai parlé avec elle de mes ressentis, de mes craintes. Dans les craintes l’une des choses qui est ressortie était ma peur de les déranger dans leur travail en étant trop douillette, comme si je n’allais pas savoir ce qui était normal ou pas dans la douleur à l’intérieur mon propre corps. A vous l’écrire je trouve la chose incroyable, moi qui suis si attentive à savoir que je ne sais pas pour l’autre, là je me trouvais en situation d’avoir peur de pas savoir pour moi. La situation vient me rappeler mon lien de dépendance d’avec ma mère vue comme celle qui sait pour moi: jusque dans mon corps. Bien évidement que bébé la chose a été fort utile, je dirais même vital. Cependant je suis aujourd’hui une adulte qui vit et respire sans elle, alors pourquoi douter de moi ainsi? Lorsque l’interne a fait basculé le faisceau de nerf à l’arrière de la veine visé pour l’implantation de la CIP, j’ai compris ma douleur. Un cris rauque et caverneux sortie d’outre tombe. Elle a donc repris l’anesthésie et la douleur s’est vite tassée. Mon rêve emprunte la tronche du médecin que j’ai pas aimé, comme substitue à cette interne que j’ai aimé, et qui pourtant m’a fait subir une immense douleur. J’ai mis en scène un homme médecin tenant des propos digne d’un gros beauf pour mettre en représentation l’horreur que cette intervention a été pour moi. J’ai ce jour là vécu un retour à mon traumatisme d’être une femme qu’on pénètre, et ce dans la douleur immense de ce que j’imagine de ma castration.

De l’utilité de la parole

Cette jeune interne était charmante. Je l’ai vite aimé parce qu’en arrivant elle m’a dit que la gynécologue en charge de mon dossier l’avais bien briefée sur moi et signifié qu’elle avait repéré mon besoin de parlé. “Elle a dit que vous étiez une pipelette et qu’il fallait que je vous laisse parler.” Alors pendant les 3/4 d’heure de l’opération, parfois, lorsque je les entendais chuchoter au dessus du champs stériles qui me séparait de toute visibilité du champ opératoire, je leur disais un peu taquine “je vous entends chuchoter, vous dites quoi?” Un espèce de jeu s’est mis en place, me permettant de me mettre en scène en tant que Sujet bien que clouée sur une table en train de me faire pauser un écarteur dans le creux de l’épaule. Alors oui tout comme je le retrouve dans mon rêve, la pose de la CIP je l’ai pas vécu comme quelque chose d’affreux, juste une immense douleur à un moment donné.

Etape 3: mais pourquoi moi?

Dans le rêve, “Je marche avec mon ex, il fume. La fumée vient sur mon nez et ça m’agace. J’ai pas arrêté de fumer pour que d’autres m’en mette plein la gueule” Au fil de ma psychanalyse, j’ai découvert comment mon inconscient utilise la représentation de mon ex comme représentation de ce que j’imagine avoir perdu: il est une représentation de ma castration.
En réalité de vie de veille, j’ai par le passé fumée près d’un paquet de clopes par jour, et j’y ai peut être perdu la santé. Dans ce rêve je fais porter à mon ex la responsabilité de m’en mettre plein la gueule au risque de me rendre malade. Il s’agit ici de la représentation du: “c’est pas moi c’est l’autre qui est responsable” La variante que j’y trouve ces temps ci est la suivante, lorsque je trouve une maladie, un accident terrible arrivé à un autre, je me rassure sur mon sort du jour en me disant: “ah c’est pas moi la pire” Je suis pas fière de cette pensée, et pourtant elle m’est venue. Des idées connexes ont émergées avec cette dernière: pourquoi moi? pourquoi pas tous ces affreux qui font tend de mal au monde?

“En prendre plein la gueule” me fait également associer au sentiment que je peux avoir parfois dans certaines de mes relations: avec cet ex et avec ma mère notamment. Ici j’ai le sentiment d’en prendre plein la gueule au sens de l’engueulade, du manque de considération, de l’affect négatif à mon égard. Et ça: ça me tue en tant que Sujet. Je suis aujourd’hui apaisée dans mon lien avec cet ex, plus de contact direct et j’ai avec l’analyse repérée la différence entre mes représentations et la réalité qui ne m’obligeait en rien de continuer à être en lien avec lui. Ce contact que j’ai maintenu venait entretenir mon sentiment d’en prendre plein la gueule et ce en mode perpétuité. L’analyse m’a notamment fait comprendre que j’ai d’autant plus maintenu des liens avec lui que j’ai eu le sentiment qu’il m’ai laissé tombée “comme une merde” Je parle bien ici de mes représentations de notre rupture et en rien d’une réalité qui se voudrait être la vérité vraie.
Le chemin que j’ai amorcé depuis quelques mois, et ce rêve vient me donner à voir que mon chemin avec ma mère n’est pas encore si claire et apaisé. Je vous écris ce rêve près d’un mois après la pose de la CIP, depuis les choses ont et bougent encore, je publierai mes avancées dans les prochains rêves et analyses.

Les deux gros dictionnaires de philosophie m’intriguent. Le deux me ferait penser à des couilles, mais c’est sans grand éclair. Et pourquoi de la philosophie? c’est une matière qui m’attire guère, voir qui m’agace parce que j’ai le sentiment que l’on apprend aux gamins de terminal à penser dans une grille de lecture décidée par des autres qui eux auraient eu le savoir. J’en reste donc là pour ce rêve

Christine JEUDY | Psychanalyste | Besançon