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Archéologie de moi

Comment un rêve nourrit ma compréhension de la fabrication de mes représentations

Reste de rêve brut:

J’arrive dans la chambre où se repose mon père. Il est squelettique tel une momie Égyptienne. Je me rend compte qu’il va mourir. Une fois à son chevet me voici en face de la porte. Là je vois mon tonton René. Je sais qu’il est mort en 2001, alors je suis vraiment estomaqué. Un infirmier passe, il le traverse comme si c’était de la fumée. Mon tonton se reconstitue juste après. Je me dis que c’est quand même incroyable cette histoire.

L’analyse

La veille de ce rêve j’ai regardé “Adèle Blanc-Sec” j’emprunte à ce film les momies Égyptiennes qu’elle fait ramener à la vie par un professeur émérite. Dans le film, Louise Bourgoin joue savoureusement une Adèle en quête de faire renaitre des momies, un peu comme moi dans mon rêve: je ramène à la vie la représentation de mon père, prêt à mourir/vivant telle une momie sur son lit.

Le film et mon rêve, sont tout deux une mise en scène composée de plusieurs représentations/images:

  • Pour le film c’est un réalisateur: Luc Besson qui a dirigé la mise en scène,
  • dans mon rêve, le réalisateur c’est moi.

Lorsque je parle du film: je parle de la représentation que je m’en suis faite, de comment il a trouvé un écho chez moi jusqu’au point où mon inconscient lui empreinte des images: ici la momie. En aucune façon je parle de ce que le réalisateur en pense/a voulu représenter: lui seul pourrait en dire quelque chose et encore s’il en a le désir/envie.

Préalable méthodologique posé, je peux en revenir mes associations.

Mon rêve vient sortir la représentation, de la représentation, de la représentation, un peu comme des poupées russes ou bien encore comme une momie sortie de ses différentes enveloppes: les bandages, le sarcophage. Vous y aurez reconnu une image de naissance au sens d’une enveloppe qui sort d’une autre, elle est différente mais le moule, la forme générale à laissé des traces/traits/ressemblances: un peu comme une matrice/ventre qui a permis à mon corps de grandir. Mon inconscient vient prendre cette image comme métaphore: le ventre maternelle pour parler de où et comment se passe ma gestation de moi même en tant que Sujet.

De son vivant, mon père était le sosie en brun de son frère René: le blond. Alors le fantôme de René dans mon rêve je me dis que c’est une représentation de mon père. Mais pas que! Dans mon rêve, le fantôme de René me fait penser qu’il est là toute en sachant qu’il est mort en 2001: en somme il est pas là. Ici la représentation d’un là/pas-là se forme, dans un même temps, ou en différé peu importe. Je parcours suffisement mon inconscient pour avoir repéré que le temps est relatif dans mes rêves.

René est là/pas-là comme mon père:

  • mort pour de vrai en octobre 2021
  • et présent plus que jamais pour de faux dans mes rêves.

Je continue mes associations et je dis c’est comme pour mon zizi qui est présent imaginairement dans mon inconscient, comme ayant été présent (là) et ayant été coupé, donc devenu absent (pas-là). C’est à cet endroit de mon laboratoire que je dis la chose suivante: “la naissance de mes représentations est corrélé à mon idée de castration” Je dis corrélé à ma castration parce que la structure du fort-da parle de coupure, d’une image qui se détache d’une masse perceptive: comme mon zizi se détache de mon corps.

Autrement dit mon rêve vient ici mettre en représentation la représentation en tant que telle, ou peut être bien le processus même qui conduit à sa création. Le là/pas-là du fantôme me fait penser au là/pas-là du fort-da: ce mouvement de jeter au loin l’objet et de s’en récupérer une représentation/un nom. De mettre de la distance/un vide/une coupure/un trou entre moi et l’objet que je jette, afin de pouvoir produire une image/mon image de cet objet.

Dans le film, Adèle court après des morts, la momie, sa sœur… Dans la mesure ou le film est une mise en scène: la momie, puis la sœur sont toutes deux des représentations au service de la mise en scène. La première représentation qui reprendra vie, est la clé qui redonnera vie à la seconde. C’est pour sa sœur, la seconde représentation dont je parle plus haut, pour l’amour de sa sœur qu’Adèle se meut/s’émeut.

Ses sentiments sont les deux faces d’une même pièce :

  • un amour infini pour sa sœur, sa jumelle, son double, un bout d’elle
  • et une culpabilité incroyable d’être à l’origine de la blessure pénétrante du clou dans son cerveau.

Oui c’est son désir de gagner face à sa sœur, qui la pousse à jouer si fort et si bien, ce qui provoque la chute de la sœur pile sur le clou de la pince qu’Adèle lui a donné un peu plus tôt. Là où une partie de moi voit du hasard dans l’accident, une autre partie de moi se dit qu’Adèle pense “je voulais l’écraser au tennis, mais est ce que mon idée ne l’aurais pas tué pour de vrai ?” Cette confusion entre l’imaginaire/ dans le pour de faux/dans le jeu et la réalité, je la retrouve dans mes rêves, et chez ceux que j’écoute en analyse. Une espèce de pensée magique qui ferait que parce qu’on pense des trucs horrible, on peut tuer en vrai: confusion entre le mot et la chose.
Ici Adèle se retrouve comme avec un bout d’elle en moins : sa jumelle. Oui sa sœur est là mais livide, son corps est là mais le Sujet est pas-là.
Et en même temps cela lui permet de se mettre en mouvement sur son chemin : celui de la recherche archéologique, les origines, son origine… Ça me fait rudement penser à moi dans ma psychanalyse, comme l’archéologue c’est moi qui part trouver l’origine de qui je suis, qui est le Sujet Christine. Je pars rencontrer en rêve toutes mes momies, autant de mes représentations du temps où j’ai vécu et celui que je vis à cet instant. Trouver de mes représentations c’est en relief trouver une représentation de ma machine à faire des représentations : Moi.
Alors oui, c’est incroyable cette histoire de faire revivre mes représentations, parce que pour de vrai, le Sujet/l’objet dont je me fais une représentation, il n’est pas la représentation, voir il peut ne plus exister pour de vrai mais je peux en garder une représentation, c’est à ce point d’accoupure que je nais en tant que Sujet, qu’une représentation de moi par moi émerge : sort de la matrice.

Christine Dornier | psychanalyste

Analyse de rêve du 22 mars 22

Du deuil à un accouchement de moi même.
quand la représentation se dégage de la masse des perceptions: il y a coupure.