Le système social et médico-social en France peut sembler complexe, avec ses missions légales, ses structures pérennes et ses dispositifs temporaires. Dans le texte qui suit, je livre ma compréhension de la façon dont il est organisé : des missions fixées par la loi, confiées à l’État et aux collectivités territoriales, et mises en œuvre par des établissements et services autorisés. À côté de ce socle stable, il existe aussi des dispositifs plus souples, parfois expérimentaux.
1. Qui détient les missions ?
En France, les missions de l’action sociale et médico-sociale sont déterminées par la loi et confiées à des personnes morales de droit public.
- L’État fixe les orientations générales de la politique sociale et garantit l’effectivité de la solidarité nationale (article L. 121-1 du Code de l’action sociale et des familles – CASF). Il met en œuvre ces missions par l’intermédiaire de ses administrations centrales et déconcentrées, notamment les Agences régionales de santé (ARS) pour le secteur médico-social, et les Directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) pour l’hébergement, l’insertion et la veille sociale.
- Les collectivités territoriales assurent la mise en œuvre opérationnelle, dans le respect de leurs compétences légales :
- Le département est reconnu comme « chef de file » en matière d’action sociale (article L. 123-1 CASF). À ce titre, il est compétent pour l’aide sociale à l’enfance (ASE), la gestion du revenu de solidarité active (RSA), ainsi que pour les prestations et services relatifs aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
- La région, depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), ne dispose plus de la clause générale de compétence. Ses interventions sont limitées aux attributions fixées par la loi, notamment le développement économique, la formation professionnelle et les transports régionaux.
- Les communes et leurs groupements (EPCI), par le biais des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS/CIAS), conservent la clause générale de compétence en vertu de l’article L. 2121-29 du Code général des collectivités territoriales – CGCT. Elles peuvent ainsi intervenir dans « toutes les affaires d’intérêt communal », ce qui leur permet de financer des associations locales, d’accorder des aides individuelles ponctuelles, ou encore de gérer directement certains services publics sociaux (ex. : établissements d’accueil du jeune enfant, résidences autonomie).
Ces compétences attribuées par la loi aux différentes personnes morales de droit public ne restent pas théoriques. Elles se traduisent concrètement dans l’existence et le fonctionnement de structures spécialisées, qui assurent au quotidien l’accueil, l’accompagnement et la protection des personnes concernées.
C’est le rôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), encadrés par le Code de l’action sociale et des familles.
2. Les structures pérennes : les ESSMS
Le Code de l’action sociale et des familles encadre les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).
- Article L. 311-1 CASF : leur mission est de « répondre aux besoins des personnes […] en situation de vulnérabilité en raison de leur âge, de leur état de santé, de leur handicap ou de difficultés sociales ».
- Article L. 312-1 CASF : dresse la liste des ESSMS : CHRS (Centres d’hébergement et de réinsertion sociale), EHPAD, foyers de l’enfance, établissements pour personnes handicapées, etc.
Fonctionnement
- La création, la transformation ou l’extension d’un ESSMS est soumise à autorisation délivrée par l’État (via l’ARS) ou le département, selon la compétence (article L. 313-1 CASF).
- L’autorisation fixe le cahier des charges et les conditions de financement (article L. 313-3 CASF).
- Les ESSMS peuvent être gérés par des personnes morales de droit public ou privé (article L. 315-1 CASF) :
- Gestion directe publique : par exemple, un département administre un foyer de l’enfance, une commune gère une crèche ou une résidence autonomie via son CCAS.
- Gestion privée non lucrative : portée par des associations ou fondations, historiquement très présentes dans l’hébergement, l’insertion et la protection de l’enfance.
- Gestion privée lucrative : certains ESSMS sont gérés par des sociétés commerciales. Cela concerne en particulier les EHPAD privés, les crèches privées et parfois des établissements de protection de l’enfance (MECS, foyers).
Tous les gestionnaires doivent obtenir une autorisation et respecter le cahier des charges fixé par la loi.
3. Les dispositifs : la souplesse
À côté de ce socle stable, il existe des dispositifs.
Ce terme n’est pas une catégorie juridique stricte, mais il est largement utilisé dans les politiques publiques pour désigner des réponses souples, temporaires ou expérimentales.
- Expérimentations : par exemple Un chez soi d’abord a été autorisé à titre expérimental avant d’être intégré dans le droit commun (article L. 313-1-1 CASF permet de déroger à titre expérimental).
- Temporaires / saisonniers : comme le dispositif hivernal d’hébergement d’urgence, activé uniquement en période de grand froid.
- Ciblés : certains dispositifs accompagnent les jeunes majeurs sortant de l’ASE, avec des financements ponctuels.
4. Schéma simplifié
- Mission légale (fixée par la loi) confiée à des personnes morales de droit public :
- État : orientations nationales, santé (ARS), hébergement, insertion
- Département : ASE, RSA, personnes âgées, handicap
- Région : formation professionnelle, développement économique (pas de compétence sociale générale)
- Commune : CCAS/CIAS, aides locales, logement social – clause générale de compétence
- Ces personnes morales publiques assurent la mise en œuvre :
- En gestion directe (par elles-mêmes) :
- Foyers de l’enfance départementaux
- Crèches municipales
- Résidences autonomie gérées par un CCAS
- Ou en déléguant à des personnes morales de droit privé :
- Non lucratives : associations, fondations
- Lucratives : sociétés commerciales (EHPAD privés, crèches commerciales, parfois MECS)
- En gestion directe (par elles-mêmes) :
- Ces gestions prennent la forme de :
- Structures pérennes : établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) soumis à autorisation
- Dispositifs temporaires : plan grand froid, expérimentations, mesures ponctuelles
5. Ce qu’il faut retenir
- Les missions sociales et médico-sociales sont définies par la loi et confiées à l’État et aux collectivités territoriales.
- Les ESSMS appelés parfois structures, assurent la mise en œuvre durable de ces missions, après autorisation de l’État ou du département.
- Les dispositifs sont des réponses plus souples, temporaires ou expérimentales, pouvant être intégrés dans le droit commun.
- La clause générale de compétence, supprimée pour les départements et les régions (loi NOTRe, 2015), subsiste pour les communes.
- La gestion peut être :
- directe par la puissance publique,
- assurée par des opérateurs privés non lucratifs (associations, fondations),
- ou assurée par des opérateurs privés lucratifs (notamment dans les EHPAD, crèches, et parfois dans la protection de l’enfance).
👉 En résumé : la loi attribue les missions, précise les compétences des différents niveaux de collectivités, et encadre la création et la gestion des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Christine Jeudy | Psychanalyste | Besançon